Le pouvoir insoupçonné des contenants à remplissages multiples

Presque tout le monde au Québec connaît le système de consigne - qui existe depuis plus de 200 ans! - mais saviez-vous qu’un projet de règlement sur la modernisation de la consigne est en cours en ce moment? Ce projet prévoit un élargissement et la bonification de la consigne aux contenants de boissons prêtes-à-boire de 100 ml à 2 litres (comme les bouteilles de vin, de jus et d’eau, de lait, les spiritueux, etc.) qu’ils soient en plastique, en verre ou en métal.

C’est un projet qui est le fruit d’une mobilisation citoyenne de longue date et qu’Équiterre salue car le tri à la source des contenants de boissons augmente leur potentiel de réemploi et de recyclage. La modernisation de la consigne nécessite selon nous certains ajustements, afin que les contenants à remplissages multiples (CRM) - un système qui a plus que fait ses preuves sur le plan environnemental - soient utilisés à leur plein potentiel.

C’est pourquoi Équiterre a émis ses recommandations sur cet important changement, à travers un mémoire transmis au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

1. Reconnaître le potentiel des contenants à remplissages multiples

Réutilisables de 10 à 25 fois, les contenants à remplissages multiples sont reconnus pour leur empreinte environnementale moins élevée que ceux à usage unique. De plus, dans un contexte de pénurie de matières premières, et plus particulièrement pour le verre et l’aluminium, cette solution contribue à la résilience des producteurs locaux.

En plus de générer des bénéfices environnementaux reconnus, les contenants à remplissages favorisent également la résilience des producteurs locaux.

« On voit une grosse diminution des contenants réutilisables au fil des années. En 2009, 83 % des bières embouteillées au Québec étaient dans des contenants réutilisables, contre seulement 32 % en 2017. Et cette baisse continue depuis le début de la pandémie. La consigne actuelle est insuffisante pour soutenir le réemploi. » Amélie Côté, analyste en réduction à la source

Notre recommandation

Qu’un objectif soit fixé : 25 % des contenants de boissons mis en marché devraient être des CRM d’ici 2030.

« Si même une multinationale comme Coca-Cola vise 25 % de contenants réutilisables d’ici 2030, c’est que la tendance vers le réutilisable est inéluctable et nécessaire. » Amélie Côté, analyste en réduction à la source.

2. Soutenir le réemploi plutôt que de le pénaliser

Le projet de règlement propose plusieurs mesures qui risquent de pénaliser les CRM, notamment la diminution du nombre de points de retour, qui passera de 8 000 à 1 500 et, qui aura un impact non négligeable sur l’accessibilité du retour des contenants. Il est primordial que les entreprises d’économie sociale aient la possibilité de gérer des points de retour.

« Équiterre s’inquiète de la diminution des points de retour sur l’accessibilité du système de consigne, notamment pour les personnes à mobilité réduite et pour celles qui n’ont pas de voiture. » Amélie Côté, analyste en réduction à la source

Équiterre considère que l’identification des contenants à remplissages multiples permettrait à la population de faire un choix en toute connaissance de cause, puisque cette solution écologique est encore méconnue d’une proportion importante de personnes. Cela pourrait prendre la forme d’une mention « Consigné+ Québec », par exemple. Selon une enquête menée par Recyc-Québec, si 97 % de la population québécoise est informée de l’existence du système de consignation, seulement 69 % connaissent l’existence des contenants à remplissages multiples

Nos recommandations

• Que les cibles de récupération et de valorisation des CRM soient équivalentes à celles de la moyenne pour l’ensemble des contenants;

• Que les CRM soient identifiés clairement comme étant une solution écologique;

Qu’une campagne de sensibilisation et des outils de communication soient déployés afin de mettre de l’avant les bénéfices des CRM.

3. Augmenter la valeur de la consigne

La valeur de la consigne est un facteur important pour favoriser un taux de récupération élevé, pourtant le nouveau projet de règlement ne va pas en ce sens. Il est prévu que seulement deux montants soient possibles pour la consigne, soit 0,10 $ pour les contenants de moins de 500 ml et 0,25 $ pour les contenants de verre d’au moins 500 ml et d’au plus 2 litres. Ce changement aura comme effet de réduire la valeur de certaines consignes, ou encore de geler celle de CRM

Pour inciter un comportement, il faut que le jeu en vaille la chandelle. Si la valeur de la consigne est dérisoire comparée au prix d’achat du produit, on sera moins tenté d’en ramener le contenant. Par exemple, avec une consigne de 25 sous une bouteille de vin à 15 ou 20$, il faut beaucoup de motivation pour la rapporter au point de dépôt.

« Il est choquant de constater que la réforme proposée réduise la valeur de la consigne de plusieurs types de contenants, entre autres des contenants à remplissages multiples, et qu’il sera impossible de les augmenter pour une durée de 5 ans. » Amélie Côté, analyste en réduction à la source

Nos recommandations

• Que les CRM ne soient pas soumis aux mêmes contraintes que les autres types de contenants concernant la valeur de la consigne;

• Que les montants de la consigne puissent être révisés à la hausse deux ans après l’adoption du projet de règlement.

4. Une gouvernance exemplaire

Il est impératif que l'organisme de gestion désigné (OGD) par le gouvernement pour gérer le système de consignation soit doté d’une gouvernance exemplaire, dont la traçabilité et la transparence permettront au public d’avoir confiance en ce système.

Nos recommandations

• Que des représentantes et représentants de la société civile ou des organismes environnementaux soient ajoutés à la liste des membres indépendants du comité de suivi.

• Que l’OGD donne suite à tout enjeu signalé et à toute piste de solution recommandée par le comité de suivi.

• Que les taux de réemploi des contenants à remplissages multiples, par type de contenant, soient détaillés et traités séparément dans les statistiques transmises par l’OGD.

• Que le rapport annuel de l’OGD soit rendu public ou disponible sur une base annuelle.