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Rapport et étude

Comprendre la hausse des camions légers au Canada afin de renverser la tendance

Publié le 

« Comprendre la hausse des camions légers au Canada afin de renverser la tendance : synthèse » regroupe huit (8) études menées en partenariat avec le CIRANO, HEC Montréal et la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal, et cherche entre autres à mettre en lumière les multiples causes et conséquences de la préférence croissante de la population canadienne pour les véhicules énergivores et surdimensionnés, dont les véhicules utilitaires sport (VUS).

Alors que le Canada est engagé dans l’Accord de Paris et s’affiche comme un leader climatique à l’international, le pays demeure l’un des plus grands pollueurs par habitant(e) dans le monde et n’est pas en voie d’atteindre ses différentes cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

En 2020, le quart des émissions du Canada était imputable au secteur des transports, ce qui en fait un secteur clé dans l’effort collectif pour atteindre les objectifs de 2030 et de 2050.

🚙 ⛽️ Quand on observe les choix de consommation des Canadien(ne)s en matière de véhicules, les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Entre 1990 et 2018, le nombre de VUS, camionnettes (pick-ups) et fourgonnettes a augmenté de 280% dans le parc automobile canadien. Ce segment des camions légers a atteint un sommet historique de 79,9% des ventes de véhicules neufs en 2020.

Constats

La popularité croissante des camions légers est incompatible avec les cibles gouvernementales de réduction de GES. Le phénomène entraîne les problématiques suivantes :

  • Entre 1990 et 2018, les émissions de GES des camions légers ont augmenté de 156%, participant ainsi à l’augmentation globale des émissions nationales (+20,9%).
  • En 2018, ils ont émis en moyenne 31% plus de GES par kilomètre que les voitures standards, et c’est le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé en 2020 malgré la pandémie de COVID-19.
  • Les camions légers exacerbent la congestion routière.
  • Les accidents causés par les camions légers sont plus dangereux que ceux causés par des voitures standards : le risque de mortalité de cet individu est 158% plus élevé si le véhicule happant l’autre est une camionnette et 28% plus élevé s’il est un VUS.
  • En raison de leur hauteur, les VUS causent des blessures plus graves aux piéton(ne)s adultes lors d’une collision et sont près de deux fois plus susceptibles de blesser un(e) piéton(ne) adulte à la hanche ou aux jambes par rapport aux voitures classiques.
  • Les VUS sont en moyenne beaucoup plus dispendieux et contribuent à alourdir la dette des ménages canadiens; ils peuvent coûter jusqu’à 40% plus cher à l’achat et 15% plus cher en frais de carburant.

1. Un phénomène aux conséquences multidimensionnelles

Ce chapitre est le fruit d’une revue de la littérature sur les camions légers réalisée par Équiterre et des analyses et modélisations menées par la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal dans le rapport «Les camions légers: Impacts de la transformation du parc de véhicules légers au Québec».

Quels sont les impacts sur l’environnement?

Requérant plus de combustibles fossiles et de ressources à l’utilisation et à la fabrication que les voitures standards, les camions légers émettent plus de GES et nuisent donc aux efforts gouvernementaux en matière de climat, de pollution atmosphérique et d’électrification des transports.

  • Les camions légers constituent la principale source d’augmentation des émissions de GES reliées au transport routier au Canada depuis 1990: entre 1990 et 2018, leurs émissions ont augmenté de 156%, contre une baisse de 19% des émissions des voitures.
  • En 2018, les camions légers ont émis 31% plus de GES par kilomètre que les voitures en moyenne.
  • La hausse des camions légers ralentit les efforts d’électrification des gouvernements. Par exemple, pour chaque véhicule électrique vendu au Québec en 2019, environ 11 camions légers se vendaient.
  • Plus un véhicule est gros, plus sa fabrication requiert des ressources naturelles et génère des émissions: la fabrication d’un VUS électrique représente une augmentation d’émissions médianes de 20% par rapport à une voiture électrique au Canada.
  • Par leur consommation plus grande de combustibles fossiles, les gros véhicules contribuent à la pollution de l’air, ce qui a des conséquences importantes sur la santé publique au Canada.
  • Au Québec, en 2018, les camions légers ont consommé en moyenne 20% plus de carburant pour parcourir 100 kilomètres et ont couvert 13% plus de kilomètres que les voitures.
Quels sont les impacts sur la sécurité publique?

En raison de leur poids et de leur hauteur plus élevés, les camions légers représentent un risque accru pour la sécurité des usagers de la route, particulièrement pour les piéton.ne.s.

  • Plus un VUS est lourd, plus la fréquence des collisions et le risque de mortalité sont élevés: comparativement aux voitures standards, les accidents provoqués par des camionnettes et des VUS seraient respectivement 27% et 10% plus nombreux et 158% et 28% plus mortels pour la personne au volant de l’autre véhicule selon la littérature.
  • Au Québec, pour toutes les catégorie d’usagers et usagères de la route confondues, les accidents mettant en cause des VUS présentaient en 2019 le taux de victimes le plus élevé, avec 1427 victimes sur 7 265 accidents, comparativement à une moyenne de 1309 victimes pour l’ensemble des accidents de la route (26 973).
  • Les VUS causent des blessures beaucoup plus graves aux piéton.ne.s que les autres types de véhicules, notamment en raison de leur hauteur et de leur forme: en 2019, les piéton.ne.s du Québec ont été le plus souvent blessé.e.s lors d’accidents n’impliquant que des VUS, avec 253 victimes sur 1903 accidents contre une moyenne de 101 pour la totalité des accidents routiers de l'année (26 973).
Quels sont les impacts sur le réseau routier et l’économie?

Un parc automobile composé en majorité de véhicules plus longs et plus lourds accélère la dégradation du réseau routier, puisqu’il entraîne des congestions plus longues et plus fréquentes, une usure hâtive des routes ainsi qu’une perte significative d’espace et de capacité de stationnement.

  • Plus la longueur moyenne des véhicules composant le parc automobile est grande, plus les conditions du réseau routier se dégradent: si l’ensemble des véhicules en circulation au Québec étaient des Ford F-150 au lieu de Smart Fortwo, il faudrait environ 2 fois moins de véhicules pour atteindre le seuil de congestion et 2,2 fois plus de temps pour parcourir 5 kilomètres .
  • Entre 1994 et 2019, 10 véhicules de moins entrent sur une voie d’un kilomètre.
  • La hausse des camions légers sur les routes entraîne une augmentation du nombre d’heures de véhicules en congestion, un phénomène qui exacerbe les pertes économiques annuelles déjà engendrées par la congestion routière au Canada: en 2015, il était question de 7 milliards de dollars (G$) à Toronto et de 1,4 G$ à Vancouver.
  • Le poids plus élevé des gros véhicules provoque une usure hâtive des infrastructures routières, un enjeu qui sera encore plus important chez les camions légers électriques en raison de la batterie: le nouveau Ford F-150 Lightning pèse 6500 livres, soit 35% plus que la version à essence.
  • En près de 20 ans, l’espace total occupé par le parc automobile de la grande région de Montréal a grimpé de 45,5%, passant de 1338 à 1948 hectares, soit l’équivalent de 17 parcs Lafontaine perdus, en raison de la hausse de la motorisation et de la présence accrue de gros véhicules dans le parc automobile.
Quels sont les impacts sur les finances personnelles des ménages?

L’incitation à la surconsommation de camions légers entraînée par les tactiques de marketing et de financement des véhicules de l’industrie automobile contribue à l’endettement des ménages.

  • Les VUS sont en moyenne beaucoup plus dispendieux et contribuent à alourdir la dette des ménages canadiens: ils coûtent en moyenne 10 000$ de plus qu’une voiture standard au Canada.
  • L’effet rebond énergétique ne permet pas d’économiser
  • Entre 1981 et 2019, 65% de la hausse des dépenses en transport privé des ménages est attribuable à l’achat de camions légers neufs (camionnettes, fourgonnettes, VUS).
  • Le prolongement des prêts automobiles sur une plus longue durée encourage les consommateur.trice.s. à acheter des camions légers qui sont plus chers que leur budget leur permet, en plus d’engendrer des intérêts plus élevés et un risque accru de perte financière.

2. Définitions et enjeux de classification

Les données présentées dans cette section proviennent de l’étude « Les camions légers: Définitions et évolution de l’offre » menée par la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal.

Comment l’industrie automobile s’y prend-t-elle pour classer les véhicules?

Les méthodes utilisées pour classer les véhicules légers varient au sein de l’industrie automobile qui ne propose pas de définition claire des VUS et autres camions légers.

  • Les constructeurs adoptent des terminologies de classification des véhicules légers qui leur sont propres: ils utilisent à la fois la carrosserie, la gamme et la transmission du véhicule pour les classer.
  • Les critères de classement utilisés pour informer les consommateur.trice.s sur leurs options d’achat sont variables et subjectifs: Car and Driver distingue trois gammes de VUS, alors qu’Edmunds en distingue 14.
  • Des véhicules très différents sont classés au sein d’une même catégorie: le terme VUS désigne aujourd’hui des véhicules aussi petits que le Hyundai Kona et aussi grands que le Lincoln Navigator.
  • Des véhicules aux dimensions identiques sont classés dans des catégories différentes: on trouve des véhicules ayant une taille presque égale, mais appartenant à quatre types de carrosserie (berline, bicorps, familiale et VUS) et à deux types de véhicules (voiture et camion léger).
Comment les gouvernements définissent-ils les camions légers?

Des variations dans la définition des camions légers existent entre les paliers de gouvernement.

  • Chacune des instances publiques définit les véhicules en fonction des objectifs qui lui sont propres, ce qui crée des incohérences: elles utilisent tantôt le poids, les caractéristiques physiques, les composantes mécaniques, les usagers ou le nombre de passager.ère.s pour classer les véhicules.
  • Le Québec est la seule province à avoir déterminé un seuil de 3000 kg pour qualifier les véhicules dits «légers», alors qu’au niveau fédéral, le seuil utilisé est de 10 000 livres (4536 kg).
  • L’Environmental Protection Agency des États-Unis classe les voitures en fonction de leur volume intérieur, alors qu’elle classe les VUS en fonction de leur poids.
  • Les termes qui réfèrent aux véhicules légers ne sont pas uniformes en français et en anglais dans les textes législatifs.

3. Comprendre l'évolution de l'offre des camions légers

Les données présentées dans cette section proviennent de l’étude « Les camions légers: Définitions et évolution de l’offre » menée par la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal (voir section 2 pour documentation).

Comment les caractéristiques des véhicules ont-elles évolué à travers le temps?

Depuis plus d’un siècle, la taille des caractéristiques des véhicules a augmenté significativement. En parallèle, les modèles de véhicules et leurs versions se multiplient.

  • Les véhicules sont devenus plus larges, plus longs, plus hauts et plus lourds: entre 1994 et 2019, la masse des véhicules a augmenté de 25,3%, la surface au sol de 11,1%, l’empattement de 7,4%, la largeur de 5,5% et la longueur de 5,3% (10 véhicules de moins entrent sur une voie d’un kilomètre).
  • La taille croissante de toutes les caractéristiques des véhicules témoigne du phénomène « d'obésité routière » que l’on constate à l’heure actuelle: la taille des berlines s’approche désormais de celle des VUS intermédiaires, tout en se distinguant de plus en plus des bicorps.
  • Les constructeurs automobiles misent sur une offre de plus en plus personnalisée de leurs modèles de véhicules: entre 1994 et 2019, on observe une augmentation de 42% du nombre de modèles de véhicules sur le marché et de 60% du nombre de versions.
  • La diversification de l’offre de modèles et de versions permet aux fabricants de se positionner partout sur le marché, ce qui leur est extrêmement profitable.
Comment les VUM se distinguent-ils des VUS?

L’arrivée des VUM, souvent plus petits, plus écoénergétiques et plus économiques que les VUS traditionnels, contribue à la popularité croissante des camions légers.

  • La taille similaire des VUM à celle des voitures favorise leur prépondérance sur le marché actuel.
  • La multiplication des VUM aux caractéristiques variables exacerbe le flou entourant les définitions et les classements des véhicules légers.

4. Comprendre la demande pour les camions légers

Les données présentées dans cette section proviennent de l’étude « Les camions légers: Facteurs ayant contribué à la transformation du parc de véhicules » menée par la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal.

Comment expliquer la demande croissante pour les gros véhicules?

La demande croissante et de plus en plus diversifiée de gros véhicules peut s'expliquer par une série de facteurs économiques, politiques, techniques, législatifs, sociaux et psychologiques.

Parmi les facteurs expliquant la demande pour les gros véhicules, on retrouve:

  • Des conditions économiques favorables à une augmentation des dépenses reliées aux véhicules autant au niveau macroéconomique qu’au niveau des ménages, dont une plus grande facilité à accéder au crédit et aux prêts automobiles pour les ménages;
  • Un cadre réglementaire moins contraignant en termes d’efficacité énergétique pour les VUS et autres camions légers, favorisant ainsi leur fabrication;
  • L’apparition de modèles de gros véhicules adaptés à tous les budgets (véhicules utilitaires multisegments);
  • Un aménagement du territoire favorisant l’étalement urbain et, conséquemment, la dépendance à l’auto solo;
  • Les perceptions liées à la sécurité routière;
  • Les normes sociales.
Quels éléments historiques permettent de comprendre leur popularité?

Au cours de l'histoire de l’automobile, les stratégies de marketing des constructeurs automobiles, les politiques gouvernementales et les préférences des consommateur.trice.s ont tous joué un rôle majeur qui a conduit à la popularité actuelle des camions légers.

  • 1904-1918 : Apparition de l’automobile pour une clientèle fortunée et fascinée par la vitesse, le luxe et le sentiment de liberté qu’offre le véhicule.
  • 1918-1945 : Démocratisation de l’automobile après la Première Guerre mondiale avec l’offre de différentes gammes de véhicules et apparition, à partir des années 1930, de la distinction entre les voitures et les camions, ces derniers étant destinés à des usages commerciaux et institutionnels.
  • 1946-1972 : Développement de la culture automobile avec la familiale (station wagon en anglais) considérée comme le véhicule de la famille moyenne américaine.
  • 1973-1979 : Chocs pétroliers entraînant une forte hausse du prix du pétrole et instauration de normes d’émissions de GES pour les véhicules légers en Amérique du Nord qui sont moins contraignantes pour les camions légers et favorisent l’offre de modèles écoénergétiques de voitures.
  • 1980-2000 : Apparition du créneau des camions légers dans le transport de personnes à la suite d’accords commerciaux limitant l’importation des véhicules étrangers plus petits et comme effet rebond de l’amélioration du rendement énergétique des véhicules.
  • 2001-2007 : Diversification de l’offre de camions légers et apparition des VUM marquant un point tournant dans la « camionnisation » du parc de véhicules au Canada.
  • 2008 à aujourd’hui : Popularité accrue des VUS et des VUM grâce au soutien financier gouvernemental à l’industrie automobile nord-américaine favorisant ce type de véhicule.
Quels sont les facteurs réglementaires expliquant la hausse des camions légers?

Le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers au Canada comporte plusieurs faiblesses pouvant avoir un effet contraire à l’impact souhaité: l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules.

Des normes d'émissions moins contraignantes pour les camions légers que pour les voitures et des mesures incitant l’adoption et le développement de technologies écoénergétiques insuffisantes font en sorte qu’il est facile pour les manufacturiers de se conformer au règlement.

Dans le système actuel, il arrive que les constructeurs automobiles terminent leur année avec une hausse des émissions réelles de leurs véhicules vendus, mais aussi avec des émissions autorisées plus élevées.

Il a aussi été constaté qu’un programme de remplacement hâtif des véhicules, mis en place en Colombie-Britannique, pourrait avoir accéléré la croissance de la demande de camions légers et la transformation du parc automobile dans cette province.

Quels facteurs économiques accroissent la tendance à l’achat de véhicules surdimensionnés?

L’achat de camions légers est favorisé par la combinaison de différents facteurs impliquant les ménages, les gouvernements et les services financiers.

  • L’augmentation du revenu et l’accès au crédit ont un effet important sur le nombre de véhicules des ménages: passant de 6730$ à 10 476$, les dépenses moyennes des ménages canadiens en lien avec la possession d’un véhicule augmentent considérablement entre 1981 et 2019, 65% de cette hausse étant attribuable aux dépenses d’achat de camions légers neufs.
  • Le maintien du prix du pétrole à des taux raisonnables par le gouvernement canadien afin de limiter l’impact sur la demande de véhicules au Canada favorise l’achat de véhicules plus gros et reconnus comme les plus polluants au monde.
  • Le taux de crédit offert par les institutions financières est favorable au financement des véhicules: au Québec, 88,3% des véhicules neufs font l’objet d’un financement et la croissance de la dette des ménages en termes de prêts automobiles dépasse désormais toute autre forme de crédit.
  • Le financement à long terme des VUS, qui coûtent en moyenne 10 000$ de plus qu’une voiture, se manifeste par des taux d’intérêt plus élevés que pour les voitures, devenant ainsi plus profitables pour les institutions financières.
Comment les pratiques de l’industrie ont-elles affecté la demande pour les camions légers?
  • Grâce à la réglementation prévoyant des normes d’émissions moins contraignantes pour les camions légers, les constructeur.trice.s ont favorisé la fabrication de ce type de véhicule qui leur permettait d’atteindre plus facilement leurs cibles d’émissions totales (voir question 3 pour les détails).
  • En collaboration avec les institutions financières, les concessionnaires utilisent différentes tactiques de ventes qui favorisent l’achat de camions légers: promotions sur les taux d’intérêt; présentation des mensualités sur une base bimensuelle ou même journalière; étalement des paiements sur de longues périodes, etc.
Comment les caractéristiques des propriétaires de camions légers ont-t-elles évolué?

Le nombre de VUS et de VUM possédés est en forte augmentation chez tous les groupes sociodémographiques et tous les types de ménages ainsi que dans toutes les provinces canadiennes.

Ménages

  • Tous les types de ménages achètent des camions légers (locataires, personnes seules, familles, etc.), mais les dépenses les plus importantes sont observées chez les couples avec des enfants et les ménages propriétaires de leur unité de logement.
  • Les ménages propriétaires et ceux formés d’un couple avec ou sans enfants dépensent en moyenne de 1,5 fois à 2 fois plus pour l’achat de camions légers que pour l’achat de voitures.

Âge et genre

  • Entre 1999 et 2019, les personnes âgées de 55 à 64 ans et de 65 ans et plus qui sont propriétaires de véhicules légers ont grandement augmenté, passant respectivement de 14% à 21% et de 12% à 20%. Ce phénomène témoigne de la persistance de la motorisation à travers le temps : une personne possédant un VUS à 18 ans risque d’en posséder un à l’âge de 55 ans.
  • Le nombre de VUS et de VUM possédés est en forte augmentation dans tous les groupes sociodémographiques, mais est plus marqué chez les hommes de plus de 45 ans.
  • Les caractéristiques des VUS les plus appréciées varient selon l’âge : les personnes âgées de moins de 30 ans apprécient les capacités tout-terrain, celles âgées entre 30 et 44 ans apprécient l’espace pour la famille, alors que les 45 ans et plus apprécient l’utilité générale du véhicule.
  • Traditionnellement achetés par des hommes, les VUS séduisent de plus en plus les femmes: parmi celles-ci, la plus grande part de marché du VUS (35%) appartient à celles âgées de 35 à 44 ans.

5. Comprendre les motivations d'achat des camions légers

Les données présentées dans cette section ont fait l’objet de l’un des volets de l’étude «Achat de camions légers au Canada: Analyse des motivations» menée par le CIRANO et HEC Montréal.

Quels sont les facteurs qui influencent la propension à choisir un VUS?

L’intention d’achat d’un VUS est influencée par différents facteurs internes et externes de l’individu.

Parmi les principaux facteurs internes identifiés, on retrouve:

  • Les facteurs sociodémographiques et contextuels (lieu, mode de vie, âge, revenu du ménage);
  • Les facteurs psychologiques personnels (valeurs et attitudes);
  • Les facteurs liés aux véhicules et à la conduite (instrumentalité du véhicule, aspects symboliques et aspects affectifs).

L’environnement externe (normes sociales, médias et publicités) joue aussi un rôle dans le développement des préférences individuelles.

Quels sont les principaux constats du côté des facteurs internes?

Le milieu de vie, la taille du ménage, le niveau de revenu, les valeurs, la perception de la sécurité ainsi que le prix et le financement offert exercent une forte influence sur l’intention d’achat d’un camion léger.

Facteurs sociodémographiques

  • Les femmes et les personnes âgées de 25 à 34 ans ont une plus grande intention d’acheter un VUS.
  • Les personnes vivant en milieu rural sont nettement plus enclines à acheter une camionnette (pick-up) que les personnes vivant en milieu urbain.
  • Les provinces où l’intention d’achat d’un VUS est la plus élevée sont Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta et la Saskatchewan.
  • Les provinces où l’intention d’achat d’une camionnette est la plus élevée sont la Saskatchewan, l’Alberta et le Nouveau-Brunswick.
  • Plus le nombre de personnes dans un ménage et le revenu familial sont élevés, plus la probabilité d’acheter un VUS augmente.

Facteurs psychologiques

On constate que les personnes les plus susceptibles d’acheter un VUS accordent beaucoup d’importance aux valeurs telles que l’ambition, le pouvoir, l’influence et l’autorité, et aiment conduire. On observe aussi que les personnes qui ont des valeurs environnementales fortes ou qui considèrent les véhicules comme un simple moyen de se rendre du point A au B sont moins susceptibles d’acheter un VUS que celles qui considèrent leur véhicule comme indispensable (c’est le cas de 5,73 sur 7 personnes).

Autres facteurs

  • Les critères les plus importants lorsque vient le temps de choisir un véhicule sont la sécurité en termes d’impact, la sécurité en termes de conditions météorologiques et le prix.
  • Les options de financement offertes : les propriétaires de VUS ont plus souvent recours au financement du concessionnaire, et les propriétaires de voitures à leur épargne personnelle.
Quelles sont les principaux constats du côté des facteurs externes?

Les sources d’information, comme les concessionnaires et l’entourage, les normes sociales descriptives et les médias ont une influence importante sur le choix du véhicule.

  • Les différentes sources d’information ont une influence importante dans le choix d’un véhicule;
  • Les concessionnaires sont la source d’information la plus récurrente lorsqu’il est question de choisir un véhicule, suivie de l’entourage et des sites internet tiers;
  • Les normes sociales descriptives constituent le facteur entraînant la plus grande probabilité d’achat d’un VUS, ce qui veut dire que l’approbation des autres influence largement nos décisions;
  • L’influence des médias sur le choix d’un VUS comme prochain véhicule est significative.
Quelles sont les principales conclusions des entrevues individuelles?

L'achat d'un VUS est motivé par un sentiment de supériorité, de contrôle, de sécurité et de conformité que les conducteur.trice.s associent à ce type de véhicule.

Les personnes qui possèdent un VUS:

  • Sont convaincues de sa supériorité, notamment en termes de confort et de sécurité en cas de collision ou en raison des conditions météorologiques changeantes;
  • Estiment que la taille, la hauteur et le poids élevés du véhicule créent un sentiment de robustesse et de stabilité;
  • Aiment leur véhicule, car il leur procure un sentiment de contrôle;
  • Se préoccupent peu du danger que représente leur véhicule pour les autres;
  • Trouvent «normal» de posséder un VUS, que ce soit en raison de la taille moyenne des véhicules qui est en croissance constante ou de l’influence forte qu’occupe la famille, un concept fortement associé à ce type de véhicule.

6. Comprendre le rôle de la publicité automobile

Les données présentées dans cette section proviennent de l’étude « Sans limite : La publicité automobile au Canada - Pratiques, cadre réglementaire et recommandations » menée par Équiterre.

Quels sont les principaux thèmes et messages observés dans les publicités automobiles au Canada?

Au Canada, les publicités automobiles font la promotion de camions légers en mettant de l’avant une nature dominée, des modalités de financement attrayantes, la technologie et la sécurité.

  • La majorité des publicités utilise la nature pour vendre les camions légers: la domination de l'environnement est souvent montrée avec des véhicules hors route dans des milieux naturels;
  • Les VUS sont représentés dans une variété d'endroits, ce qui peut laisser croire qu'ils sont polyvalents à travers l’exposition du public à un nombre élevé de publicités;
  • Les rabais et la rareté du produit sont souvent mis de l'avant à travers des fêtes commerciales ou des saisons de l'année;
  • L'aspect sécuritaire et technologique du véhicule, surtout pour les multisegments et les VUS, est fréquemment mise de l'avant de plus d’une façon dans une même publicité;
  • Des modalités de financement attrayantes sont très souvent proposées (annonce d’une offre spéciale, acomptes, taux d’intérêt faibles ou nuls, paiements reportés, etc.);
  • Les fourgonnettes sont pratiquement absentes des publicités, ce qui indique que les VUS les ont remplacées sur le marché;
  • Quelques publicités mettent en évidence l'efficacité énergétique du véhicule promu sans offrir d’informations sur sa consommation d'essence;
  • Aucune des publicités ne mentionne la consommation de carburant et/ou les émissions de CO2 du véhicule, et moins de la moitié d'entre elles affichent son prix de détail.

Ces messages nuisent à la prise de décision éclairée en matière de choix de véhicules.

À combien s’élèvent les investissements en publicité automobile?

L’industrie automobile se classe au premier rang en termes d’investissement en publicité numérique.

La publicité automobile, dont celle faisant la promotion des camions légers, bat son plein au Canada. Alors que 47 % des acheteur.euse.s de nouveaux véhicules disent être influencé.e.s par une quelconque forme de médias tout au long du processus d’achat, l’industrie automobile représentait à elle seule 21% du total de l’investissement en publicité numérique seulement en 2018.

Quelles sont les lois, règlements et normes qui encadrent la publicité automobile au Canada?

La législation canadienne en matière de publicité est incompatible avec les cibles climatiques gouvernementales et devrait être réformée pour illustrer l’urgence climatique et environnementale.

  • Il n’y a pas de contrôle fédéral sur les publicités automobiles en amont de leur diffusion: le système canadien agit seulement après avoir reçu des plaintes, en plus du fait que les industries appliquent les Normes canadiennes de la publicité sur une base volontaire.
  • Certains secteurs ont des codes spécifiques à respecter, mais pas l’industrie automobile, lui permettant de promouvoir les véhicules surdimensionnés avec peu de contraintes légales malgré leurs multiples impacts néfastes.
  • Les normes et les lois relatives à la publicité, tant fédérales que provinciales, évoluent en fonction des enjeux de santé publique et des débats sociétaux émergents, mais l’environnement n’a pas encore été intégré dans ces outils.
Quelles sont les meilleures pratiques réglementaires entourant la publicité automobile à l’international?

Le Canada pourrait s’inspirer des exigences plus strictes mises en place, notamment en Europe et en Océanie, pour encadrer la publicité automobile.

  • Belgique : Les publicités ne peuvent pas tromper le public quant aux effets du produit sur l’environnement, et il existe des restrictions claires quant à la représentation et à l’utilisation de lieux n’appartenant pas au réseau public routier.
  • Royaume-Uni : Les publicités automobiles doivent inclure l’information à propos de la consommation de carburant et des émissions de CO2 du véhicule.
  • Nouvelle-Zélande : Les publicités automobiles ne doivent pas encourager ou dépeindre des dommages à l’environnement dans les zones présentant une valeur de conservation importante (ex. lits de rivières, zones humides, tourbières, bords de lacs et estuaires).
  • Suède : Des termes comme « respectueux de l'environnement » ne peuvent être utilisés que si, durant tout son cycle de vie, le produit ne nuit pas à l'environnement ou l'améliore.
Quelles sont les principales conclusions des groupes de discussion portant sur la publicité?

Les personnes interrogées approuvent les messages publicitaires liés aux VUS, mais soulignent le manque de transparence sur les prix et expriment leur méfiance à l'égard de l'industrie automobile.

Contenu

Les personnes ayant pris part aux groupes de discussion:

  • Affirment être conscient.e.s des pratiques de marketing visant à rendre les gros véhicules plus attrayants;
  • Semblent toutefois être influencé.e.s par la publicité si l’on se fie à la facilité avec laquelle elles se rappellent d’images de plein air et d’aventure;
  • Associent la domination d’un environnement rude et hostile par un VUS à la sécurité; et
  • Mentionnent l’attachement émotionnel promu dans les publicités qui, parfois, vont jusqu’à représenter le VUS comme un membre de la famille.

Prix et options de financement

Les personnes ayant pris part aux groupes de discussion:

  • Soulèvent l’espace central qu’occupent les informations relatives au prix et au financement dans les publicités et estiment être conscient.e.s qu’il s’agit de tactiques pour faire paraître les VUS plus abordables qu’ils ne le sont;
  • Sont souvent en mesure de raconter l’expérience de membres de leur entourage quant à leurs difficultés à honorer les paiements requis; et
  • Jugent que les informations sur le coût total des véhicules sont importantes et utiles à inclure dans les publicités.

Informations relatives à l’impact environnemental

Les personnes ayant pris part aux groupes de discussion:

  • Estiment que l’inclusion d’informations relatives à l’empreinte environnementale ou à la consommation de carburant est inutile dans les publicités de véhicules;
  • Ne font pas confiance aux constructeurs pour faire des déclarations véridiques sur l’efficacité énergétique des véhicules ou sont incapables de donner un sens à ces informations lorsque celles-ci sont présentées de manière brute;
  • Croient que les informations relatives à la consommation (coût et utilisation de carburant, émissions de GES) dépendent surtout du style de conduite et ne sont donc pas objectivement comparables.

Recommandations

«Nous avons une dépendance collective aux camions légers. Il nous faut maintenant un traitement choc pour nous en défaire. Alors que le Canada est en retard sur ses objectifs climatiques et que la plupart des secteurs réduisent leurs émissions de GES, celles du secteur des transports augmentent, et les pratiques publicitaires de l’industrie automobile exacerbent cette tendance. Il est impératif que les gouvernements jouent un rôle proactif pour réorienter les choix de mobilité individuels.» – Andréanne Brazeau, analyste en mobilité

  1. Reconnaître la hausse des camions légers au Canada comme un enjeu de santé publique et de sécurité publique;
  2. Mettre sur pied un comité consultatif indépendant et multisectoriel pour accompagner les gouvernements;
  3. Établir un système de classification automatique et universel des véhicules légers en fonction des objectifs de réglementation du Canada;
  4. Mettre en place des mesures permettant de réduire l’offre de gros véhicules:
    1. Réformer le Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des automobiles à passagers et des camions légers;
    2. Offrir un soutien monétaire direct et indirect à l’industrie automobile conditionnel à l’accélération de l’électrification des véhicules légers.
  5. Mettre en place des mesures permettant de réduire la demande de gros véhicules:
    1. Instaurer un système de redevance-remise capable de s’autofinancer;
    2. Maintenir l’orientation canadienne visant à augmenter progressivement le prix du carbone;
    3. Instaurer la tarification kilométrique;
    4. Instaurer à plus grande échelle des programmes de mise au rencart de véhicules donnant droit à un crédit d’impôt.
  6. Accroître progressivement la réglementation entourant la publicité automobile:
    1. Systématiser l’archivage des publicités automobiles;
    2. Systématiser la collecte de données en lien avec les investissements en publicité de l’industrie automobile;
    3. Restreindre les pratiques publicitaires de l’industrie automobile en s’inspirant des restrictions existantes (tabac, vitesse au volant, publicités destinées aux enfants);
    4. Mettre en place un mécanisme d’examen et de validation du contenu des publicités automobiles;
    5. Exiger une part croissante d’investissements en publicité de VZE par rapport aux véhicules légers à essence;
    6. Établir une part plafond des publicités de véhicules surdimensionnés zéro émission.
  7. Déployer des campagnes de promotion de la mobilité durable à l’aide de messages adaptés aux différents milieux et publics.

« Plusieurs champs d’intervention se dessinent. Il faudra nécessairement changer le récit entourant ce qui est considéré comme normal ou souhaitable aux yeux de la société. Le VUS ne devrait plus être vu comme un bien auquel on aspire. Alors qu’il est devenu le symbole de la famille, nous devons nous interroger sur l’héritage que l’on souhaite laisser à nos enfants. Voulons-nous vraiment des véhicules toujours plus gros qui menacent nos milieux de vie? » – Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre