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Opinion  •  3 min

M. Legault, un peu de pragmatisme!

Publié le 

par :  Colleen Thorpe Directrice générale d'Équiterre

Tout le monde sait que lorsque le verdict d’une maladie grave tombe, vous aurez beau être milliardaire, cela ne garantira pas votre guérison.

Cette logique est la même à grande échelle, les pays les plus riches ne sont pas arrivés à prévenir et peinent à colmater la propagation du virus COVID-19.

Force est de réaliser que nous sommes bien petits face aux aléas de la nature. Un tout petit virus peut chambouler tous nos plans.

Gérer en suivant des principes strictement économiques ne nous rend pas plus fort. Au contraire, c’est un leurre. L’économie est un outil performant mais non viable s’il est déconnecté de l’humain et de la nature.

Nous sommes vulnérables

S’il y a un apprentissage profond que notre gouvernement devrait tirer de la situation actuelle, c’est d’admettre notre vulnérabilité face à la nature. Faire preuve d’humilité est un premier pas qui cède généralement place à de l’ouverture et de l’écoute.

Ces derniers jours, le gouvernement nous parlait de relance. Nous attendions l’annonce des premières mesures avec grand intérêt. Nous nous attendions à ce qu’il tire des leçons de cette pandémie et qu’il veille à nous protéger des prochaines crises annoncées par les experts du monde entier: la crise environnementale et climatique.

Avec son projet de loi 61 (PL61), le gouvernement fait fausse route en s’arrogeant des pouvoirs exceptionnels afin d’accélérer le déploiement de grands projets d’infrastructure. En soi, investir massivement pour remettre au travail les québécois-ses est une super nouvelle. Mais pas de cette façon!

Ce projet de loi «mammouth» ouvre la porte à des dérapages: entre autres celui d’outrepasser des lois et règlements mis en place pour protéger notre environnement. Le gouvernement se veut pragmatique et souhaite réduire les délais pour les évaluations environnementales? Très bien! Il peut s’y prendre en augmentant les effectifs du ministère chargé de les mener à bien.

La relance souhaitée des Québécois.es 

Qui plus est, la population lui envoie aussi un message fort: en 48h, déjà plus de 20 000 personnes ont signé notre pétition contre le PL61 et pour une reconstruction juste et écologique. De surcroît, un récent sondage Léger montre que 67% des Québécois.es souhaitent qu’un Québec sorti de la crise de la COVID-19 priorise d’abord et avant tout la santé, l’environnement et la qualité de vie, plutôt que la croissance de l’économie (30%). Ces chiffres ne nous étonnent pas - les québécois expriment depuis longtemps leur appui à une action climatique forte.

Nos prochains investissements doivent répondre aux impératifs économiques et environnementaux, ils doivent renforcer nos systèmes pour amoindrir les prochaines crises ou en atténuer les effets. Chaque fois, le gouvernement devra se poser la question suivante: est-ce que ce projet nous rend plus résilient? En d’autres mots: nous permettra-t-il de renforcer le tissu et le capital social des Québécois.es? De respecter notre engagement de réduction de GES? Respectera-t-il notre environnement pour permettre aux générations à venir de jouir d’un milieu viable et sain?

Vous et les décideurs qui vous entourent savez comme moi que la nature n’a pas fini de se manifester et de perturber nos vies. Le message est porté par nos enfants au quotidien.

Pour reprendre le parallèle avec la maladie grave, s’il y a des éléments qui nous aideront à coup sûr à alléger notre souffrance, c’est d’être entouré de personnes bienveillantes et d’avoir droit à des soins de qualité. Et si la vie nous donne l’opportunité de repartir sur de nouvelles bases; changer notre mode de vie, nous recentrer sur l’essentiel et écouter ce que les spécialistes de la santé auront à nous dire devrait être notre premier réflexe. Leurs premières consignes seront «bougez plus, mangez mieux et prenez le temps de vous reposer».

Ces mêmes principes s’appliquent à l’échelle d’un État: privilégier le transport actif au transport motorisé (bouger plus et réduire les contaminants de l’air), choisir des aliments biologiques et locaux (manger mieux et réduire les contaminants de la terre, l’air et l’eau), éviter la surconsommation, prendre le temps. Il est fascinant de constater à quel point la santé environnementale et la santé humaines se rejoignent. Après tout, l’humain et l’environnement, c’est un peu la même chose. Nous sommes interconnectés.

M. Legault, vous avez une seconde chance de reconstruire notre société sur des bases qui nous rendent plus résilients et plus soudés. Nous vous invitons de prendre le temps de réfléchir à ce qui nous arrive, de vous entourer d’experts de la santé et en environnement, et de les écouter. Sortons du «tout à l’économie» et ouvrons nous au changement. C’est ce dont nous avons urgemment besoin.

Colleen

Si ce n'est déjà fait, signez la pétition d'Équiterre "Non au PL61 et oui à une reconstruction juste et écologique" >>