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Actualité  •  5 min

La gestion des matières résiduelles : un levier pour la mise en œuvre de la transition écologique

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Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre, a récemment fait une présentation de recommandations à la Ville de Montréal dans le cadre de la consultation publique sur le projet de Plan directeur de gestion des matières résiduelles 2020-2025 (PDGMR). Voici une synthèse du mémoire déposé par Équiterre en collaboration avec le Conseil régional de l’environnement de Montréal, qui encourage la ville vers son objectif zéro déchet.

Dans le contexte de crise climatique et, plus localement, de l’atteinte prévue de la pleine capacité en 2026 du plus gros lieu d’enfouissement technique de la région de Montréal, l’atteinte des objectifs de Montréal en gestion de matières résiduelles (GMR) est impérative. Le développement et le soutien des initiatives en réduction à la source, en réemploi et en réparation sont à notre avis les alignements prioritaires qui devraient être considérés pour la formulation du PDGMR.

La refonte du modèle économique actuel doit être au cœur de la réflexion du PDGMR. Dans l’économie circulaire, une des premières étapes est de repenser les manières de faire, notamment grâce à l’économie collaborative. Le PDGMR, comme formulé actuellement, n’intègre pas réellement ces principes d’économie circulaire, qui devraient se refléter dans toutes les actions proposées. La transformation des manières de concevoir, de produire, de distribuer et de consommer implique d’importants changements qui, à terme, contribueront à la résilience climatique de l’agglomération montréalaise.

Il n’y a pas de raccourci dans l’équation d’un monde où l’on produit moins de déchets. Pour y arriver, un travail de fond de toutes les parties prenantes doit être fait. Sur un horizon de 5 à 10 ans, il faut accroître la résilience du système de récupération en tenant compte des objectifs de réduction à la source. La vision mise de l'avant devrait en ce sens intégrer la responsabilisation des entreprises et de la population face à la concrétisation de ces objectifs.

Voici les grandes lignes des recommandations d’Équiterre :

OUTILLER LES CITOYEN.NE.S AU NIVEAU DE L’ACTION INDIVIDUELLE ET COLLECTIVE

Il y a une conscientisation accrue de la population par rapport aux enjeux environnementaux, et en ce qui a trait à la GMR. Le mouvement zéro déchet, et l’intérêt des citoyen.ne.s par rapport à la réduction à la source est réel. Quand ils souhaitent aller plus loin, par exemple en contribuant à l’implantation d’une collecte dans un édifice multilogement ou en organisant un événement écoresponsable, les citoyen.ne.s disposent de peu de ressources.

Nous recommandons donc la mise en place de mesures et d’outils pour accompagner les citoyen.ne.s mobilisé.e.s afin d’améliorer les pratiques en GMR.

L’EXEMPLARITÉ MUNICIPALE

Partout où l’on retrouve le logo d’une ville ou d’un arrondissement, les pratiques devraient être exemplaires. L’approche proposée devrait être uniforme sur tout le territoire. En 2020, il est absurde que des édifices municipaux comme des arénas, des centres sportifs ou des bureaux, n’aient pas encore accès à des collectes de matières recyclables et/ou organiques.

De plus, toute subvention, tout financement, tout permis octroyé, toute activité dont une ville est partenaire devrait :

  • être évalué en tenant compte de l’empreinte environnementale et sous la loupe de la crise climatique;
  • répondre à des critères d’écoresponsabilité, tant au niveau des fournisseurs de services (alimentation, transport, etc.), des pratiques que de la finalité du projet.

Nous recommandons également que l’ensemble des municipalités de l’agglomération aillent encore plus loin en s’engageant à ce qu’une proportion des subventions accordées le soient pour des initiatives de réduction à la source, de réemploi, de réparation et de sensibilisation.

REPENSER PAR LA RÉDUCTION À LA SOURCE, LE RÉEMPLOI ET LA RÉPARATION

Nous sommes d'avis que les réflexions et les changements qui seront mis en place ne doivent pas être faits pour préserver le fonctionnement des systèmes, mais plutôt pour contribuer à la concrétisation d'actions structurantes pour tendre vers le zéro déchet. L’enjeu ne devrait pas être de déterminer quel est le meilleur déchet, mais plutôt définir les solutions que nous devrions collectivement déployer pour sortir du paradigme de l’usage unique.

Nous recommandons donc :

  • l’évaluation du potentiel de réduction de toutes les actions proposées dans le PDGMR;
  • l’ajustement des réglementations actuelles sur le bannissement des sacs d’emplettes à usage unique pour corriger les écueils, en bannissant l’ensemble des sacs, peu importe leur épaisseur et leur matière;
  • le soutien et la promotion de la mise en place de solutions alternatives à l’usage unique, notamment par des systèmes de consignation dans le secteur de la restauration;
  • l’évaluation de la possibilité d’instaurer des bonus/malus pour encourager les bons comportements en ce qui a trait à la réduction à la source.

La réduction du gaspillage alimentaire est une autre opportunité de réduire les déchets et les émissions liées de façon significative. Pour l'agglomération de Montréal, les matières organiques enfouies ont généré 71 % des gaz à effet de serre (GES) du secteur des matières résiduelles[1].

Nous recommandons donc :

  • un financement accru pour cette réduction;
  • des projets de sensibilisation et d’éducation à la réduction du gaspillage alimentaire à l’intention du grand public;
  • une mise en commun et diffusion des connaissances des restaurateurs et des expert.e.s pour réduire le gaspillage alimentaire.

Le reconditionnement et le réemploi font partie intégrante de la boucle de l’économie circulaire. Nous proposons donc des solutions pour les écocentres, les bibliothèques, et pour pérenniser les initiatives existantes :

  • faire des écocentres un lieu de réemploi pour rendre accessibles les matériaux de construction, les meubles et les objets qui y sont acheminés;
  • développer l’offre d’objets locatifs dans les bibliothèques municipales;
  • coordonner une campagne au niveau de l’agglomération pour le réemploi dans le cadre des déménagements en juillet et mettre en place des actions intégrées à la grandeur du territoire pour éviter le gaspillage de ressources. Cela pourrait également être l’occasion de sensibiliser aux alternatives à la surconsommation, notamment en présentant les avantages économiques et environnementaux liés aux objets de seconde main.

Les ateliers de réparation d’objets existants devraient être soutenus pour assurer leur pérennisation et leur déploiement. Une réflexion devrait être menée pour voir à soutenir ce type d’activité de manière élargie en s’appuyant sur l’expertise des organisations en économie sociale.

Il pourrait notamment être envisagé :

  • de recenser et faire la promotion des initiatives pour susciter davantage de participation;
  • d’identifier les zones où il y a moins d’offres pour développer des initiatives en complémentarité avec celles existantes, et en accroître l’accessibilité.

CONDITIONS FAVORABLES POUR UN CHANGEMENT DE PARADIGME

Dans un récent rapport de C40 Cities, on évaluait que dans les villes à revenu élevé comme Montréal, les émissions liées à la consommation doivent diminuer du deux tiers d’ici 10 ans. On parle notamment de la construction et de l’entretien d’infrastructures, du transport, de la consommation de vêtements, d’appareils électroniques et électroménagers, de l’alimentation et de l’aviation.[2]

La surconsommation compromet les efforts de transition vers une économie sobre en carbone et entraîne des impacts non négligeables sur l'environnement, sur la santé et sur notre économie. Les changements d'habitudes à propos de la réduction à la source et la bonne gestion de matières résiduelles ont un fort potentiel pour accroître la résilience et réduire les émissions de GES, en cohérence avec les engagements climatiques de nos gouvernements.

Les conditions sont en place à Montréal pour créer un modèle inspirant pour les autres municipalités, au Québec et ailleurs. L’expertise reconnue de l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC), la multiplication des initiatives – tant entrepreneuriales que citoyennes – et la création du Bureau de la transition écologique et de la résilience de Montréal sont quelques exemples concrets à ce sujet. Il est incontournable de valoriser les initiatives structurantes développées au sein de l’agglomération montréalaise pour atteindre les objectifs ambitieux du PDGMR et mettre en place les conditions pour accélérer la transition écologique.

Pour lire le mémoire au complet  

[1] Ville de Montréal (2019). Émissions de gaz à effet de serre de la collectivité montréalaise - inventaire 2015
[2] C40 Cities (2018). Consumption-based GHG emissions of C40 Cities