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Opinion  •  4 min

Ce que nous coûte la position climatique canadienne

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - South Park

Ceux et celles qui pérégrinent à travers le monde avec un drapeau canadien cousu sur leur pack sac devraient-ils s'empresser de l'arracher avant de se faire apostropher dans un café à Ushuaia ou à Berlin?

On peut se poser aujourd'hui la question de la valeur symbolique de cette amulette.

J'emprunte l'image à Steven Guilbeault, qui l'utilise dans ses entrevues pour bien illustrer le déclin rapide de la réputation internationale du Canada, et peut-être maintenant de ses habitants. Il faut être ici, à Durban, pour comprendre que la position de notre gouvernement fédéral est difficile à avaler. Il nous faut maintenant expliquer que non, nous ne sommes pas d'accord avec les positions de notre gouvernement, que oui nous sommes favorables à la lutte aux changements climatiques et que non, nous ne prenons pas un grand verre de pétrole avant de nous coucher, histoire de bien faire corps avec notre destin de superpuissance énergétique.

Plusieurs craignent les pénalités imposées au Canada dans le cas ou le pays déciderait de ne pas respecter le Protocole de Kyoto. Fausse crainte, disent certains, le Canada va officiellement se sortir du Protocole dans quelques jours, il échappera ainsi à ses obligations.

Selon les textes du Protocole, le Canada devrait effectivement souffrir d'une pénalité pour le non-respect de son engagement de réduction. Cette pénalité représenterait une augmentation de 33% du prochain objectif de réduction du Canada, dans une éventuelle 2e phase du Protocole de Kyoto.

Mais cette pénalité devient hautement théorique si (1) il n'y a pas de deuxième période d'engagement du Protocole de Kyoto - ce à quoi s'emploie le gouvernement canadien - et/ou (2) le Canada se retire du Protocole, ce qu'il peut officiellement faire d'ici la fin de l'année... sans pénalité.

J'en profite ici pour reprendre une réponse que j'ai faite cette semaine à un internaute. Les vraies pénalités pour le Canada reposent d'abord sur les dommages que fait subir l'attitude du gouvernement Harper à la réputation internationale du pays. Devant l'abandon de ses obligations internationales, les autres États sont en droit de se demander si notre pays est un partenaire sur lequel on peut se fier.

De plus, en agissant comme un bum de ruelle (bully, en anglais), un rôle qui va comme un gant au ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, le Canada fait tout sauf s'attirer la bienveillance de ses partenaires dans d'autres dossiers internationaux, y compris commerciaux. Ne sommes-nous pas en train de négocier un accord de libre-échange avec l'Union européenne ?

Alors que se profilent à l'horizon des régimes climatiques différents entre régions (l'Europe vs l'Amérique du Nord vs les économies émergentes), il serait tentant pour des partenaires économiques du Canada qui se donneraient des règles environnementales strictes - par exemple une taxe carbone ou un marché du carbone - de vouloir taxer aux frontières les importations de biens produits dans des pays n'ayant pas de telles exigences, ne serait-ce que pour équilibrer les choses entre producteurs domestiques et étrangers. Par exemple, ceci pourrait pénaliser les exportations québécoises vers l'Europe, si le Canada ne met rien en place d'équivalent aux réglementations climatiques européennes.

Finalement, la position du gouvernement fédéral pénalise une bonne partie de l'économie canadienne, par son choix délibéré de privilégier les ressources naturelles et les carburants fossiles, au détriment de l'économie verte et des énergies renouvelables. L'argent qui passe du trésor public fédéral vers les pétrolières ne va pas aux segments économiques verts dans lesquels l'Ontario et le Québec devraient exceller. Ces créneaux sont dorénavant développés ailleurs, en particulier en Chine. Ce sont autant d'occasions d'affaires ratées pour nous. Une autre façon de dire qu'on ne doit en aucune façon compter sur le gouvernement Harper pour nous faire entrer dans l'économie verte. Il va falloir que ça vienne de Québec.

Il y a donc plusieurs types de « pénalités » que nous fait subir l'inaction et l'attitude du gouvernement fédéral.

Pour plusieurs Canadiens anglais, le petit drapeau unifolié leur permettait d'éviter d'être confondus avec des touristes américains, pas toujours bienvenus dans plusieurs coins de la planète. La période Dubya n'avait en rien amélioré les choses pour ces derniers.

Mais comme il semble que plusieurs opérateurs politiques républicains ont (temporairement) trouvé refuge au Canada, en en profitant pour s'emparer du pays, le problème commence à se poser pour les Canadiens dont l'accent (comme le mien par exemple) ne peut servir de sauf-conduit dans un marché au Caire ou une auberge de jeunesse de Budapest.

Maintenant, quel drapeau les touristes Canadiens devraient-ils maintenant traîner avec eux ? Je ne sais pas pour les autres Canadiens, mais les Québécois devraient être attentifs aux gestes que posera - ou pas -  le gouvernement du Québec. Les prochains jours sont cruciaux pour l'avenir du régime climatique international.

Si des pays comme le Canada veulent abandonner le navire, d'autres, dont l'Union européenne, voudront peut-être continuer avec le Protocole de Kyoto, et accélérer leur transition vers l'économie verte et les énergies renouvelables.

Le Québec s'est distancié depuis plusieurs années de la position climatique du gouvernement fédéral. Il a développé ses propres positions, très différentes, beaucoup plus en phase avec celles de l'Europe. Et il n'a jamais craint de les faire connaître, même à en faire rager plus d'un à Ottawa.

On verra bientôt si on voudra se remettre à coudre des fleurdelisés sur nos propres packs sacks.