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On ne connaît pas encore les motifs de Lee Loughner, cet Américain de 22 ans qui a tué 6 personnes et blessé 14 autres samedi en Arizona.
Ce qui n'empêche pas de s'interroger sur le pourrissement d'un discours politique qui carbure à l'indignation, à la colère, à la peur de l'Autre. Et qui incite à la haine.
Ce discours est instrumentalisé. Il sert des objectifs et des intérêts précis.
Bien sûr, un tel climat politique merdique ne peut qu'amplifier des conditions préexistantes. Il y a des détraqués partout, diront certains. Les propos de Sarah Palin et de Glenn Beck ne sont pas responsables de l'acte posé par Lee Loughner.
Pas d'accord. Trop facile.
Le discours populiste dit « de droite » carbure à la polarisation sociale, cherche des enjeux qui divisent et qui vont chercher les gens dans leurs trippes et dans leurs valeurs profondes. Il divise la population en deux « camps ».
D'un côté, les gens « décents », qui « travaillent durs », des « patriotes », du « monde ordinaire ».
Et les « Autres », qu'on démonise, de toutes les façons possibles : leurs « valeurs » ne sont pas les « nôtres », ils sont « pervertis » par leur idéologie. Ils forment une « élite » qui impose son « agenda » au peuple honnête et sans voix.
Ce sont des « socialistes », des « nazis », des « anti-américains ».
Je ne serai pas particulièrement original en disant que ce discours polarisant est dangereux. Qu'il n'a rien de particulièrement américain.
Ici, au Québec, on dira qu'ils sont de la « gau-gauche », qu'ils sont des « réchauffistes gauchistes », qu'ils forment une « clique », celle du Plateau, maintenant contrôlé par une faction ayant un « agenda islamiste ».
Lorsqu'un présente l'Autre comme une menace existentielle à la survie de nos valeurs, ou encore à notre survie tout court (ceux qui étaient contre la réforme de la santé aux États-Unis parlaient des « death panels » qui seraient mis en place dans les hôpitaux), pas difficile de comprendre l'angoisse et la colère de ceux et celles qui adhèrent à ce discours.
La seule réaction « logique », « décente » est de se rebeller contre l'oppression.
« Vous êtes pas tannés de vous faire fourrer, bande de cons? »
« Lock and load! »
La vraie question à se poser lorsqu'on discute de la montée du discours populiste dit « de droite », c'est quels intérêts il sert. Au Pakistan, aux États-Unis, au Québec.
Une fois qu'on aura bien compris la mécanique du discours de polarisation qui carbure à la haine, et qu'on en aura bien identifié les bénéficiaires, il appartiendra à l'expliquer clairement, à le dénoncer, et à convaincre nos concitoyens à s'en tenir loin et à ne pas tomber dans le panneau.
Rien contre discuter d'enjeux politiques et de valeurs. Des « dérives », possibles ou imaginées, du « modèle québécois ». De la taille de l'État ou des règles de vie en société.
Mais à l'intérieur de règles de respect et de tolérance, et la recherche honnête des solutions acceptables pour le plus grand nombre, tout en protégeant les minorités.
La démocratie est mieux servie par la recherche du consensus que par l'exacerbation des différences.