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Opinion  •  3 min

L'avenir de l'ONU se joue-t-il à Cancun ?

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - Cancun, ours polaire sur morceau de glace

Personne ne sait encore comment la conférence de Cancun va se terminer. Nous le saurons d'ici quelques heures. Officiellement, tout devrait se terminer avant le souper vendredi soir. Dans les faits, ça peut traîner des heures, durant la nuit et tard le lendemain matin.

Règle générale, les diplomates ont à ce moment-là la même forme physique et la même capacité mentale que des danseurs dans un club après deux semaines de circuit party.

C'est pas très beau à voir.

D'une certaine façon (certains diraient d'une façon certaine), c'est l'avenir de l'ONU qui se joue ici au cours des prochaines heures, en tant qu'institution par laquelle on peut trouver et mettre en oeuvre des solutions collectives à des problèmes planétaires.

Dans le dossier des changements climatiques, cette preuve doit être réitérée à chaque conférence.

Leurs finales sont rarement sereines. La plupart du temps, on verse carrément dans le grand drame. Ou même dans un scénario de film hollywoodien, avec des bons, des méchants, du suspense, des rebondissements, des larmes et du sang.

Jusqu'à Copenhague, les forces du mal finissaient toujours par être repoussées, d'une façon ou d'une autre, jusqu'à la prochaine conférence (les diplomates américains sous l'administration Bush étant toujours très crédibles dans ce rôle taillé sur mesure pour eux). Aujourd'hui, c'est un cartel de resquilleurs (pour reprendre le thème d'un excellent discours prononcé ici avant-hier par Stéphane Dion), dont le Canada fait partie, qui ont les deux pieds sur le frein.

À Copenhague, lors de la désintégration de la conférence dans la nuit de vendredi à samedi, une négociatrice latino-américaine s'était entaillée la main pour exiger la parole en plénière, pendant que le représentant du G77 et de la Chine associait l'Accord de Copenhague négocié par les pays du BASIC et les États-Unis au génocide de l'Afrique.

Une vraie foire d'empoigne.

Copenhague marque le début du doute à l'endroit de la capacité du processus onusien comme plateforme multilatérale de mise en place de solutions collectives. Pour que cela fonctionne, tout le monde, en principe, doit être d'accord. La Chine, les États-Unis, le Canada, comme le Bhutan et les Comores.

Pas simple.

Tout à l'heure, à la grande tribune, le président bolivien Evo Morales ouvrait deux jours de discours politiques alors que les diplomates entrent dans le dernier droit de la finalisation des textes. Morales, porte-parole emblématique de la mouvance altermondialiste, en a appelé aux droits de la Terre-Mère, à la survie des peuples et à la transformation du capitalisme. Tout va bien jusque-là, sauf que ça veut dire pour lui de s'opposer aux mécanismes de marché comme l'une des solutions aux changements climatiques. Difficile de savoir s'il décidera de bloquer une entente finale sur ces questions.

Pas simple du tout de réconcilier les Morales avec les pétromonarchies, l'Union Européenne, les économies émergentes, l'Afrique et l'Alberta.

Il le faut pourtant.

À Montréal en 2005, Stéphane Dion s'était présenté prématurément en plénière, le vendredi soir vers 18 h, avec un paquet de décisions à faire adopter à l'unanimité.

La Russie s'était opposée, à la consternation générale. L'enjeu de la Conférence de Montréal était de bloquer les tentatives de l'administration Bush de faire dérailler les négociations. Deux semaines avaient été nécessaires pour tricoter une entente satisfaisante pour tout le monde. Personne n'avait vu venir l'objection russe.

Dion avait passé la nuit à négocier un compromis, derrière les portes closes d'une salle de réunion du Palais des Congrès de Montréal, pour finalement pouvoir revenir en plénière vers 6h10 le samedi matin, et faire approuver le tout sous les applaudissements collectifs de centaines de diplomates et d'observateurs épuisés par deux semaines de négociations.

Ici au Mexique, les enjeux sont aussi importants, le degré de complexité aussi élevé. Je ne m'attends pas du tout au chaos de Copenhague, l'atmosphère n'est pas du tout la même. Ce qu'on cherche ici, concrètement, dans les prochaines heures, ce sont des décisions de la COP et de la COP-MOP en jargon onusien, des textes portant sur différents enjeux de négociations et qui doivent tous être approuvés par consensus. Ces textes serviront de base à un accord global l'an prochain, en Afrique du Sud.

Dans un monde de plus en plus éclaté, marqué par la montée des économies émergentes, par le conflit entre économie fossile et économie verte, par l'angoisse de nombreux pays aux prises avec les impacts actuels des changements climatiques et par les sommes colossales en jeu, le consensus peut-il encore être atteint? Sur des enjeux aussi complexes que la protection des forêts, les transferts technologiques, l'aide aux pays en développement, la répartition des efforts de réduction?

L'ONU joue peut-être son avenir ici.

On verra très bientôt.