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C'est du moins la vision à laquelle voudrait nous convier le gouvernement du Québec. Dans un récent discours au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM, 23 novembre 2009), juste avant son départ pour Copenhague, le Premier ministre Charest présentait cette vision en ces termes aux écolos, gens d'affaires et diplomates réunis :
Vous savez d’ailleurs que nous avons de grandes ambitions. Nous voyons le Québec comme une puissance nord-américaine des énergies renouvelables et comme une solution pour ses voisins.
Nous voulons accroître nos exportations d’énergie propre vers nos voisins du Canada et des États-Unis. Ce faisant, nous limiterons, chez eux, le recours à des sources d’énergie fossiles.
Bref, le gouvernement veut augmenter nos exportations d'énergie vers nos voisins de Nouvelle-Angleterre, de l'État de New York et de l'Ontario pour renflouer les coffres de l'État. C’est aussi dans la toute récente Stratégie du gouvernement du Québec à l’égard des États-Unis. Nous sortons de récession, on nage dans les déficits alors qu'explosent les coûts du système de santé. D'où l'idée de générer de la richesse quelque part. Et si, en plus, on peut aider nos voisins à diminuer leur recours au charbon pour produire de l'électricité, la plus grande source de gaz à effet de serre du Nord-Est des États-Unis, qui s'en plaindrait ?
Devant une telle vision, deux réactions possibles :
• On est pour ! On applaudit et on encourage un beau cas de développement durable appliqué. Oui on peut faire du développement économique et créer des emplois à travers le développement du créneau des énergies vertes, tout en luttant contre le réchauffement de la planète;
• On est contre ! On dénonce le greenwashing du gouvernement Charest qui ne veut que construire des barrages sur les dernières rivières du Québec et faire plaisir aux contracteurs, aux firmes d'ingénieurs, aux puissants syndicats et aux travailleurs de la Côte-Nord.
Ou bien on se dit « minute » : cette vision mérite qu'on s’y penche et qu'on se pose de sérieuses questions. Il serait en effet trop facile de se laisser berner par un discours politique qui se veut « vert », sans garantie de résultat. Il serait encore plus facile de nous y opposer d'emblée : nos rivières devraient-elles servir à alimenter la boulimie énergétique de nos voisins américains ? Le tout-au-barrage d'Hydro-Québec et du gouvernement du Québec ne mène-t-il pas à la destruction de nos écosystèmes boréaux ?
Justement, posons-nous les bonnes questions. comment, du point de vue du développement durable, pourrait-on développer au Québec des filières énergétiques plus « vertes », créer des emplois d'avenir dans toutes les régions du Québec et aider nos voisins (de façon intéressée, bien entendu) à réduire leur dépendance au charbon ? Est-ce possible ? Si oui, à quelles conditions ? Peut-on augmenter nos exportations sans construire de nouveaux barrages en ayant recours à des efforts supplémentaires d'efficacité énergétique, à davantage d'éoliennes et aux autres formes de filières énergétiques émergentes ? Comment s'assurer que d'éventuelles augmentations d'exportations du Québec réduisent bel et bien l'utilisation du charbon ? Comme faire en sorte que ces exportations ne tuent pas dans l'oeuf les efforts des états de Nouvelle-Angleterre de développer leurs propres productions d'énergies vertes ? D'ailleurs, comment se compare l'hydroélectricité du Québec par rapport aux autres formes d'énergie utilisées dans notre coin de continent ?
C'est ce genre de questions qu'Équiterre et ses partenaires de Conservation Law Foundation (CLF) de Nouvelle-Angleterre, du Pew Charitable Trust des États-Unis et de l'Initiative Boréale Canadienne (IBC) se posent. Plutôt que d'applaudir ou de dénoncer la vision du gouvernement Charest, les comparses lancent… un programme d’études, financé par Pew, réalisé par des experts et révisé par des pairs.
Les résultats de ces études seront rendus publics au cours des prochains mois et aideront à la formulation d’une réponse structurée et informée de la part du consortium de groupes environnementaux américains, canadiens et québécois. Le gouvernement du Québec va très vite en affaire et multiplie les annonces pour mettre de la chair autour de sa vision. Les lobbyistes hydro-québécois sont de toutes les tribunes aux Etats-Unis pour faire reconnaître les bienfaits de l’hydroélectricité. Une partie du milieu environnemental des deux cotés de la frontière veut comprendre les enjeux et se faire une tête là-dessus.
Et tirer des conclusions : peut-être faisons-nous fausse route et que cette vision ne mène à rien de mieux qu’à la destruction de notre patrimoine naturel. Ou peut-être qu’avec des balises strictes, qu’il faudra identifier et bien articuler, la vision tient la route.
Le Québec, la superpuissance énergétique verte du continent ?
Peut-être.
On verra.
Ce serait cool, non?