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Opinion  •  4 min

Regarder les trains passer

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - train rapide

Tanger - Casablanca : 2h10.  Entrée en service prévue : 2015.

La première pelletée de terre a été donnée il y a quelques semaines en présence du président français Nicolas Sarkozy. Coûts : près de 3 milliards de dollars. À terme, le Maroc sera doté d'une colonne vertébrale parcourue de trains ultra-modernes et qui devrait assurer la base de la mobilité à longue distance de la population.

À travers le monde, des milliers de kilomètres de chemins de fer sont consacrés aux réseaux de trains à grande vitesse, presque la moitié dans les pays en développement. L'Asie et l'Europe se couvrent aujourd'hui de réseaux de trains à grande vitesse, le pivot de la mobilité durable inter-cités en ce début du XXIe siècle. Même en Éthiopie, le gouvernement retape 5000 km du vieux réseau de chemin de fer colonial avec le soutien de capitaux chinois.

Quand les Turcs, les Ouzbeks et les Coréens se modernisent comme ils le font, on peut voir arriver rapidement le moment où le reste de la planète laissera l'Amérique du Nord sur le quai.

La Chine compte aujourd'hui sur un réseau de 6000 kilomètres de lignes TGV et plus de 14 000 kilomètres supplémentaires sont en construction. L'objectif est de lier les grands centres urbains chinois par le système de transport des personnes le plus performant au monde.

La vitesse de ces transformations est difficile à imaginer, surtout chez nous, où l'épaisseur des couches sédimentaires d'études de (pré)faisabilité semble être la seule chose en croissance dans le dossier du train à grande vitesse Québec-Windsor.

Message d'intérêt public : alors que les négociateurs perdent leurs derniers cheveux sur les plus récents textes de négociations qu'ils sont les seuls à comprendre, des milliers de personnes participent ici à plusieurs centaines d'événements parallèles organisés - ou non - sous le chapeau des Nations Unies. Ce qui s'y passe est tout simplement fascinant. On y apprend ce qui se fait de mieux dans le monde et on transfère de l'expertise.

Hier s'ouvrait le premier d'une série d'événements portant sur la thématique du transport et du climat, une trame qui m'intéresse déjà depuis plusieurs années ici aux négos. C'est d'ailleurs à partir des modèles présentés dans le cadre de ces événements qu'Équiterre et Vivre en Ville ont produit leur proposition de politique intégrée de transport et d'aménagement du territoire, Changer de direction.

Il y a peu de temps, les transports étaient ici un dossier « orphelin »; autant on semblait comprendre les enjeux de production d'énergie, autant on avait du mal à intégrer la question des transports des personnes et des marchandises dans les outils et les mécanismes - de transfert technologique et de financement notamment - mis en place à travers le Protocole de Kyoto ou la Convention cadre.

Les choses changent rapidement aujourd'hui, les transports sont maintenant bien ancrés dans la préparation des plans d'atténuation des émissions dans les pays en développement - le NAMAs, en acronyme onusien.

La prochaine étape sera maintenant de faire reconnaître l'importance de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire et de rendre les projets d'urbanisme « verts » admissibles aux programmes de soutien aux pays en développement. Comme quoi la transition est porteuse de défis des plus stimulants pour des milliers d'urbanistes qui ont vu la lumière.

Les enjeux de la mobilité et de l'aménagement du territoire sont au coeur de la problématique des changements climatiques. Dans les pays en développement, les transports sont la première source de croissance des émissions de gaz à effet de serre, surtout dans les économies émergentes, en très grande partie en raison de la hausse de la motorisation. Ces pays font face à des choix importants qui détermineront grandement le succès de la lutte aux changements climatiques : adopter le modèle américain de l'auto-solo, ou miser sur les transports collectifs. L'un et l'autre n'ont pas les mêmes impacts au niveau de la qualité de l'air, de l'occupation du territoire ou des changements climatiques.

Nos sociétés nord-américaines doivent également redévelopper profondément leurs systèmes de transport. Après des décennies de domination des réseaux autoroutiers, désormais parvenus à maturité, il est plus que temps de (re)développer les réseaux de transports collectifs.

Au Nord comme au Sud, le développement des réseaux ferrés fait partie intégrante d'une série de solutions accélérant la transition vers des sociétés à faibles émissions carbones. Ces trains sont beaucoup plus efficaces - souvent électrifiés - que les alternatives automobiles, et beaucoup moins émetteurs de GES.

Je comprends que les grands carrossiers mondiaux puissent haleter à l'idée de fournir 1,6 véhicule par famille chinoise et indienne, mais d'un point de vue environnemental planétaire - et même en matière de qualité de l'air dans les grandes mégapoles des économies émergentes - ce rêve de constructeurs deviendra rapidement notre cauchemar à tous.

Pour prendre connaissance de nos propositions transports - aménagement pour le Québec : Changer de direction : Chantier en aménagement du territoire et transport des personnes, 2011

Pour en savoir plus sur les NAMAs transports, et de l'intégration de l'enjeux des transports dans les mécanismes du Protocole et de la Convention, consultez le document de recherche d'une équipe de l'Université de Sherbrooke sur la question :

Simon C. Roy et Myriam Poliquin.Réduire les émissions par l’adoption de modes de transport durable et par l’aménagement viable du territoire: une solution en parallèle de la CCNUCC?, p. 1-19 [Télécharger l'article]