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Longueuil, 24 février 2009 - Le projet Trailbreaker, proposé par la compagnie albertaine Enbridge Pipelines inc., refait surface. La Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) tient aujourd'hui à Longueuil une rencontre d'information sur la demande de la compagnie Pipe Lines Montréal ltée de construire en territoire agricole une importante station de pompage sur le pipeline Montréal – Portland. Selon la compagnie, la station de pompage permettrait d'acheminer l'équivalent de 128 000 à 166 000 barils de pétrole issu des sables bitumineux de l'Ouest canadien vers Portland, dans le Maine, en traversant le territoire québécois. Équiterre dépose aujourd'hui un mémoire à la Commission lui recommandant de refuser la demande déposée.
Le projet Trailbreaker, retardé notamment par manque d'autorisations réglementaires et d'ententes contractuelles, vise à trouver une porte de sortie vers l'est et le sud-est du continent à une partie importante du pétrole des sables bitumineux albertains, un des plus sales et polluants au monde. Le projet renverserait le flux de pétrole de deux pipelines : un entre Sarnia et Montréal et l'autre entre Montréal et Portland. Ce projet prévoit l'acheminement d'environ 200 000 barils de pétrole par jour vers le nord-est du continent, dont 80 000 barils par jour pourraient être raffinés dans les raffineries de Montréal-Est.
« Le projet Trailbreaker est bel et bien de retour, et avec lui un choix de société pour le Québec : voulons-nous de ce pétrole parmi les plus sales au monde ? Voulons-nous faciliter son accès aux marchés américains ? », questionne Hugo Séguin, coordonnateur aux choix collectifs chez Équiterre. « Un feu vert de la CPTAQ pour cette station de pompage à Dunham est une étape fondamentale pour compléter le projet Trailbreaker, qui augmentera de façon très importante les émissions de gaz à effet de serre alors que les Québécois cherchent à les réduire », poursuit-il.
Un terroir unique à protéger et à mettre en valeur
Pipe Lines Montréal ltée demande à la CPTAQ le dézonage de terres agricoles situées dans la municipalité de Dunham, en Estrie. Équiterre, qui travaille depuis 1995 à favoriser l'agriculture biologique et l'alimentation locale, notamment à travers un réseau de près de 100 fermes dans 13 régions du Québec qui nourrissent plus de 33 000 citoyens, s'est penché sur cette demande et soumet à la Commission un certain nombre de considérations.
Pour Équiterre, la protection et la mise en valeur du territoire et des activités agricoles de la municipalité de Dunham devraient être la priorité de la CPTAQ. Équiterre juge également qu'en raison des centaines d'accidents et incidents (feux, fuites, bris, déversements, ruptures, etc.) recensés sur les pipelines d'Amérique du Nord, le projet de station de pompage fait courir des risques trop importants à l'intégrité du terroir exceptionnel de la région de Dunham, reconnu notamment pour sa culture de la vigne.
Construit en 1941, le pipeline Montréal – Portland est un des plus âgés du continent. Le pétrole des sables bitumineux est un pétrole à haute teneur en soufre, ce qui augmente son potentiel corrosif. Ces deux facteurs augmentent les risques de fuites et donc de déversements et de contamination des terres agricoles, d'autant plus que près de la moitié des accidents aux États-Unis a lieu dans des pipelines vieux de plus de 50 ans et plus.
laquo; Le projet d'une station de pompage pour faire couler du pétrole corrosif dans un pipeline vieux de plus de 65 ans pose des risques de contamination au terroir de Dunham », ajoute Hugo Séguin. « Ces risques vont à l'encontre du mandat de la CPTAQ d'assurer un développement durable des terres agricoles et leur mise en valeur ».
La Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration du Department of Transport (DoT) des États-Unis compile des données sur les incidents touchant les équipements de transport par pipeline *. De 1986 à 2008, sur 2 235 incidents touchant des équipements terrestres (onshore) dont la date d'installation était connue et impliquant les pipelines de la catégorie hazardous liquid (pétrole, produits du pétrole ou ammoniac), les deux tiers (1 497) ont touché des équipements vieux de 40 ans ou plus et près de la moitié (1 034) des équipements de 50 ans et plus. La moyenne d'âge des équipements était de 48 ans. Près du tiers des incidents sur les équipements de 50 ans et plus ont été causés par la corrosion.
Finalement, Équiterre fait valoir que cette station de pompage favorisera l'extraction des sables bitumineux de l'Alberta, la cause principale de l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre au Canada. En contribuant aux changements climatiques, l'exploitation des sables bitumineux entraîne des impacts importants sur l'agriculture québécoise, notamment sur de petits terroirs uniques comme celui de Dunham. De plus, les émissions qui seront engendrées en Alberta pour alimenter le pipeline Montréal-Portland pourraient annuler l'ensemble des efforts du Québec en matière de lutte contre les changements climatiques.
Pour ces raisons, Équiterre demande à la CPTAQ de ne pas autoriser la construction de cette station de pompage.
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*Department of Transport, Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration. http://primis.phmsa.dot.gov/comm/reports/safety/PSI.html