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L'industrie se développera correctement, ou il n'y en aura pas, de gaz de schiste.
C'est ce qu'a déclaré le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, qui vient de se rendre compte qu'il n'est plus aux Relations internationales où, en bon diplomate, il devait se contenter de véhiculer le message gouvernemental dans les chancelleries et les cocktails.
Ce changement de cap officiel, surprenant de prime abord, tirerait, selon le chroniqueur Vincent Marissal de La Presse, son origine des réflexions du temps des fêtes, période propice à ce genre de rééquilibrage politique, les politiciens ayant amplement l'occasion de se faire parler dans le casque par la parenté. À voir les sondages sur les gaz de schistes et sur le gouvernement Charest, les conversations ont dû être plutôt musclées pour les députés et ministres libéraux, entre deux boulettes de steak haché.
La thèse de Marissal voudrait donc que les politiciens gouvernementaux aient vu la lumière - ou plutôt la colère dans le blanc des yeux du « vrai monde » - et aient enfin compris que la position qu'ils défendaient n'avait aucun sens.
D'où le changement de cap.
Comme, en vieillissant, je deviens méfiant, une autre théorie serait que le gouvernement change de discours, mais pas de plan de match. On laisserait donc à Nathalie Normandeau le rôle de cheerleader en chef de l'industrie gazière pendant que son collègue de l'Environnement apaiserait les foules.
L'avenir - prochain - nous démontrera bien lequel des deux se révélera le plus juste.
J'aimerais croire que le gouvernement s'est rendu compte de l'impact catastrophique qu'auraient, d'ici quelques années, des centaines de torchères, de tours, d'équipements lourds et de pipelines éparpillés tout le long de l'autoroute 20 entre Montréal et Québec. Une bonne partie de la population, en beau maudit, verrait là le symbole de l'arrogance d'un gouvernement qui le lui a fait entrer dans la gorge.
Dans les conditions actuelles, aucun gouvernement ne pourrait y survivre politiquement très longtemps.
Et tout ça pour quoi? On est loin du Klondike, à lire les analyses de SECOR. Même l'industrie s'interroge sur sa propre rentabilité, étant donné les prix très bas du gaz naturel dans un avenir prévisible. Au mieux, si tout va bien, les retombées semblent plutôt faibles tant en termes d'emplois que de retombées fiscales.
L'ironie ne serait-elle pas que l'industrie nous demande en plus de la soutenir financièrement?
Reste au gouvernement à admettre ses erreurs. À reculer. À décréter le moratoire que tout le monde demande. À prendre le temps d'y réfléchir, de rassembler la meilleure information disponible - y compris les résultats de la grande étude de l'EPA américaine prévue d'ici 18 mois, et de faire un débat plus serein.
Jean Chrétien disait que pour s'en sortir, quand on est peinturé dans le coin, il suffit de marcher sur la peinture. Ça prend du courage. Ou du cran. On peut être de grands leaders et admettre qu'on s'est trompé.
Au sortir du temps des fêtes, le ministre Arcand semble se transformer en calleux de set carré.
Et indique maintenant à ses collègues que, dans le dossier des gaz de schiste, ils devront marcher sur la peinture.
Ce qu'ils devraient faire de bonne grâce.
Tout le monde peut se tromper.