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Opinion  •  3 min

La Chine appellera-t-elle le bluff du Canada et des Etats-Unis ?

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - Dragon chinois

Un revirement de dernière heure pourrait-il renverser la vapeur ici à Durban et remettre le processus onusien sur ses rails?

Possible. Le slogan officiel ici à Durban est tiré d'une citation de Nelson Mandela :

Cela a toujours l'air impossible jusqu'au moment où c'est fait - It always looks impossible until it is done.

Quelques coups d'éclat sont toujours dans le domaine du possible, l'un d'entre eux pourrait venir de la Chine.

Le China Daily rapportait hier les propos d'un scientifique, Xu Huaqing, selon lequel la Chine serait probablement favorable à s'engager à limiter ses émissions à partir de 2020. Cette déclaration - faite par un officiel paragouvernemental mineur - n'est pas vraiment nouvelle. La Chine envoie de tels signaux positifs depuis déjà quelques années, indiquant sa volonté de limiter ses émissions.

La Chine est consciente de son nouveau statut de premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Elle prend également lentement conscience de son influence géopolitique grandissante. Peut-être tiendrait-elle la clef de ces négociations ?

C'est du moins ce qui se discute à mots couverts dans les corridors ici à Durban. Vu la trajectoire des discussions, plusieurs délégués et observateurs cherchent sans doute à s'accrocher à des bouées de sauvetage.

Analysons rapidement quelques facettes de la situation :

  • La Chine est utilisée comme épouvantail par certains - notamment par le gouvernement Harper et le Parti républicain - pour justifier leur inaction. Si la Chine ne diminue pas ses émissions, nous ne le ferons pas non plus; une excuse commode, mais immorale. La Chine est toujours un pays en développement. Le revenu moyen y est toujours 7 fois plus faible qu'en Amérique du Nord, les émissions par habitant 3 à 4 fois moins importantes que sur notre continent. Le gouvernement chinois est préoccupé par les impacts des changements climatiques sur la population et à juste titre, étant donné les enjeux liés à la disponibilité d'eau pour l'irrigation des terres agricoles, à la désertification et aux vagues de chaleur, notamment dans les grandes villes. 
  • Par ailleurs, la Chine voit bien aussi la paralysie totale du système politique américain, incapable même de faire consensus sur l'existence du problème des changements climatiques. Les États-Unis n'ont jamais ratifié le Protocole de Kyoto et n'ont jamais mis en oeuvre de politique nationale de réductions d'émissions de GES. La paralysie des États-Unis n'encourage en rien l'adoption d'objectifs contraignants par la Chine. 
  • Pourtant, la Chine bouge bel et bien. Dès 2009, elle s'est donné l'objectif de réduire la croissance de ses émissions - en diminuant l'intensité carbone de son économie de 40 à 45% d'ici 2020, par rapport à 2005. Un engagement colossal, compte tenu de la trajectoire d'émissions de la Chine. De plus, elle vise une proportion de 15% d'énergie non fossiles dans son bilan énergétique d'ici 2020 et une augmentation de 40 millions d'hectares de forêts, à titre de puits de carbone.
  • Mais de façon encore plus concrète, le 12e Plan quinquennal chinois - reliquat du système d'économie planifiée - mise spécifiquement sur une croissance économique faible en carbone, l'efficacité énergétique, ainsi qu'un mode durable de production et de consommation.

On ne peut tout simplement pas rejeter ces engagements du revers de la main, surtout lorsque son territoire se couvre de lignes de trains ultra-modernes et lorsque la Chine investit massivement dans les énergies renouvelables et les technologies propres, devenant le premier producteur de panneaux solaires au monde et prenant le leadership dans une série de filières de l'économie verte.

La Chine pourrait poser un geste d'éclat ici à Durban, en s'engageant - pour la première fois - à diminuer ses émissions de façon absolue à partir de la fin de la présente décennie. Ce faisant, elle callerait le bluff du Canada et des États-Unis, qui ne pourrait plus prétendre que la Chine refuserait de prendre ses responsabilités.

De la part d'une économie émergente, mais toujours en développement, dont la population toujours très pauvre aspire au niveau de vie nord-américain, un tel engagement déculotterait complètement le discours d'inaction du gouvernement canadien, isolant encore davantage le Canada.

Mais l'impact d'un geste de la Chine pourrait également donner un espace politique à l'administration Obama et lui permettre de réengager les États-Unis dans le processus de négociations et d'imposer des mesures nationales de réductions d'émissions. À défaut, prétend-on ici dans certains milieux, la Chine, l'Union européenne et le reste du monde en développement pourraient s'entendre sur la marche à suivre, isolant complètement le Canada et les États-Unis.

Nous verrons dans les prochains jours si ce scénario se matérialise ou relève du domaine de la Foi.