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Opinion  •  4 min

La voie de l’indépendance énergétique

Publié le 

par :  Hugo Séguin

Le deuxième billet de blogue d'une série de deux écrit par Hugo Séguin, conseiller principal d'Équiterre sur les changements climatiques et l'énergie, et Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et auteur de « L’avenir du Québec passe par l’indépendance énergétique », publié aux éditions MultiMondes.

Le 15 juin dernier, dans une rare allocution à sa nation, le président américain Barack Obama ramenait dans l’actualité la question de l’indépendance énergétique. Soulignant les efforts nécessaires et toujours croissants pour trouver et exploiter les nouveaux gisements de pétrole, il annonce que les États-Unis redoubleront d’efforts pour diminuer leur consommation d’or noir. Notre voisin du Sud n’est pas le seul à réaliser l’importance de prendre ce virage. De nombreux pays européens ainsi que la Corée du Sud, le Japon et la Chine investissent massivement dans les énergies nouvelles, augmentant leur autonomie énergétique tout en s’assurant la propriété intellectuelle sur les technologies qui seront bientôt critiques pour l'état de la planète.

Le Québec, un leader?

Le Québec ne peut se permettre d’assister en spectateur à cette révolution. Il doit rapidement prendre sa place parmi les créateurs de cette économie verte, à la fois pour diminuer sa dépendance au pétrole et autres combustibles fossiles importés, mais aussi pour s’assurer qu’il bénéficiera du virage technologique qui s’annonce et s’inscrira comme un joueur qui compte sur l’échiquier mondial de l’énergie propre. Déjà, notre province dispose d’avantages presque uniques au monde: près de 50 % de l’énergie qu’elle utilise est d’origine renouvelable; de plus, nous sommes l’un des rares territoires à disposer de surplus considérables d’énergie renouvelable.

Alors que le reste de la planète cherche avant tout à remplacer les centrales au charbon et au mazout par des alternatives renouvelables, comme l’éolien et le solaire photovoltaïque, tout en favorisant l’efficacité énergétique, le Québec peut déjà planifier l’étape suivante: la transition vers l’électricité à travers tous les secteurs de l’économie, du transport à l’industrie lourde. Mais ce n’est pas tout de se féliciter de notre chance à disposer d’immenses ressources hydroélectriques. Il faut encore utiliser ce levier et le mettre au profit de l’environnement et de l’économie, en plus de mettre en place des mesures visant la diminution absolue de la consommation de pétrole, notamment par un meilleur aménagement urbain ainsi que le développement massif du transport collectif et actif.

De nombreux analystes et économistes proposent que le Québec se débarrasse le plus rapidement possible de ses surplus d’électricité grâce à des ententes d’exportation à long terme vers les territoires connexes. Cette affirmation est loin d’être prouvée et il serait probablement plus profitable pour nous d’utiliser localement une bonne partie de cette énergie. Tout d’abord, les prix à l’exportation que le Québec peut obtenir pour son hydroélectricité sont beaucoup plus faibles que le prix du pétrole que l’on doit importer pour compenser. De plus, une utilisation intelligente de nos ressources hydroélectriques pourrait avoir un effet de levier écologique et économique important.

Des solutions à portée de main

Sans plus tarder, le gouvernement québécois doit lancer une réflexion sérieuse sur l’indépendance énergétique qui doit mener rapidement à des objectifs clairs accompagnés d’une panoplie de mesures adéquates. Déjà, toutefois, trois pistes d’actions nous apparaissent essentielles:

  • Stopper définitivement l’étalement urbain - qui fige pour les décennies à venir le tout-à-l’auto - et investir dans l’électrification des transports en favorisant avant tout le transport en commun local, régional et national. Depuis un peu plus d’un an, le gouvernement multiplie les annonces concernant les automobiles électriques. Or, le Québec ne construira aucune de ces voitures. L’intérêt économique de cette politique est donc limité. Par contre, une politique agressive de développement de transport en commun électrifié servirait directement à nos industries comme Novabus et Bombardier qui sont des leaders du secteur, en permettant à celles-ci de développer de nouveaux produits exportables.
  • Créer un label vert destiné à l’industrie manufacturière. Disposant de surplus d’hydroélectricité, le Québec devrait chercher à attirer des industries manufacturières intéressées par notre énergie peu émettrice de gaz à effet de serre - un lingot d’aluminium produit au Québec « contient » nettement moins de CO2 qu’un lingot fabriqué en Chine. En créant un label vert, le gouvernement du Québec offrirait un avantage compétitif à ces industries en leur permettant d’offrir des produits à faible teneur en carbone. Ainsi, un fabricant de vélos destinés au marché européen pourrait certainement bénéficier d’un label annonçant que ceux-ci sont fabriqués avec un minimum d’émission de CO2.
  • Offrir à nos partenaires de gérer leurs réseaux d’énergie renouvelable. Hydro-Québec pourrait proposer à nos voisins de les aider à développer chez eux une industrie d’énergie renouvelable en mettant sur pied un programme de gestion et de compensation des fluctuations de production inhérentes à l’éolien et au photovoltaïque grâce à ses grands barrages. L’avantage d’une telle offre est double: grâce à ce service, l’électricité pourrait être vendue à un prix majoré, et de plus, l’hydroélectricité servirait de levier pour augmenter la production d’énergie propre à travers le nord-est de l’Amérique du Nord. Que demander de mieux?

Agir maintenant

On le voit, l’indépendance énergétique n’est pas un repli sur soi pour le Québec, mais plutôt une ouverture sur l’Amérique du Nord et le monde entier. Grâce à nos ressources presque uniques au monde, nous pourrions nous positionner rapidement parmi les économies propres les plus dynamiques de la planète, tout en ouvrant la voie aux autres pays moins bien dotés. Rien n’est joué, pourtant. Il faut agir et vite.

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