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Opinion  •  5 min

Le Québec en consultations - de quelle énergie voulons-nous ?

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - Hugo Seguin

La semaine prochaine débutent les travaux de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, mise sur pied par le gouvernement Marois. Des séances publiques se tiendront partout sur le territoire, du début septembre au début octobre. Un mois de réflexion collective, à laquelle nous sommes conviés une fois par génération – la dernière remonte à 1996*. Les orientations proposées par le gouvernement du Québec sont à la fois fascinantes et… inquiétantes.

Le paysage énergétique a complètement changé depuis 20 ans. Le Québec flotte dans les surplus d’électricité et le prix de l’électron s’est effondré sur nos marchés d’exportation. Les prix du pétrole ont quintuplé (en dollars courants) et plombe notre balance commerciale. La production de pétrole bitumineux de l’Ouest, à peu près inexistante il y a deux décennies – et fortement subventionnée – a profondément bouleversé l’écosystème politique et économique canadien. Une révolution technologique permet aujourd’hui l’exploitation de quantités impressionnantes de gaz naturel et de pétrole non conventionnel, y compris potentiellement au Québec.

Il y a vingt ans, les changements climatiques n’étaient au mieux qu’une menace lointaine et abstraite. À peu près personne ne liait le problème au système énergétique mondial basé sur les combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz. Aujourd’hui, des politiques publiques et fiscales encouragent l’émergence d’une économie verte sobre en carbone. Des technologies énergétiques concurrencent la domination des fossiles. Les réseaux de distribution d’électricité deviennent de plus en plus intelligents, la production de plus en plus décentralisée. Certaines journées, la moitié des besoins énergétiques de l’Allemagne est comblée par l’énergie solaire. La Chine inonde désormais le monde de cellules photovoltaïques à des prix défiants toute compétition.

Le monde de l’énergie a beaucoup changé. Il est temps au Québec qu’on en discute. Voulons-nous nous ancrer dans un système énergétique dépendant des énergies fossiles, avec les impacts que l’on sait sur l’environnement et le climat ? Voulons-nous plutôt d’un Québec puissance énergétique verte à faibles émissions carbone ?

Parler d’énergie, c’est décrire le Québec que nous voulons

Les conséquences des réponses à ces questions n’auront absolument rien d’abstrait. Parler de choix énergétiques, c’est parler de transports en commun bondés ou inexistants, de la congestion routière qui augmente, de qualité de vie et de la forme de nos villes et collectivités dans lesquelles nous vivons et où nous voulons vivre.

C’est aussi parler de développement industriel et de l’avenir de plusieurs régions, de changements climatiques et de nos liens avec le reste du continent et du monde.

C’est également parler des risques que nous sommes prêts à prendre pour produire, acheminer et consommer l’énergie dont nous avons besoin.

Les réponses que nous donnerons lors de ces consultations révèleront des grands morceaux du Québec dont nous voulons.

Une vision gouvernementale fascinante et… inquiétante

La vision qui se dégage du document de consultation mis en place par la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, est à la fois fascinante et inquiétante. Fascinante par son progressisme, inquiétante par ses contradictions.

Le gouvernement propose une vision basée sur la lutte aux changements climatiques et la réduction des émissions de GES, ainsi que sur la réduction de la consommation de pétrole. Il souhaite mettre à profit nos actuels surplus d’énergie à faibles émissions carbone pour développer le secteur industriel. Le gouvernement propose de faire de l’efficacité énergétique et des énergies propres des piliers du développement économique, partout sur le territoire ; d’électrifier les transports ; et de remodeler nos milieux de vie pour en augmenter la qualité de vie et nous rendre moins dépendant de nos voitures.

Cette vision, celle du Québec puissance énergétique verte, se tient. C’est celle de la plupart des grands pays européens, de la Californie, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de plusieurs villes américaines. Elle brise radicalement avec le statu quo, qui est celui des mégaprojets énergétiques (d’hydroélectricité comme de carburants fossiles), du tout-à-l’auto, de l’étalement urbain et des grands projets d’infrastructures routières. Toutes les régions du Québec peuvent y trouver leur compte, selon leurs particularités.

Cette vision, c’est celle dont tout le monde parle depuis 20 ans, mais que nous ne sommes pas encore parvenus à mettre au monde une fois pour toute.

À ceux et celles qui ne croient pas le Québec capable d’atteindre ses cibles de réduction de consommation de pétrole (-30% d’ici 2020) et d’émissions de GES (-25% d’ici 2020), Normand Mousseau, coprésident de la Commission, fait judicieusement remarquer que dans les années 1980, en moins de 10 ans, « le Québec avait diminué de plus de 40 % sa consommation de pétrole », entre autres par des efforts importants de conversion du mazout par l’électricité.

Le document de consultation fait par contre une place - toute discrète mais présente quand même – à l’exploitation de pétrole au Québec et au transit du pétrole albertain par oléoducs. Difficile de faire autrement, la Première ministre a déjà tranché ces questions : le Québec deviendra un producteur de pétrole, il ne resterait qu’à en déterminer les modalités. Il ne ferme pas la porte – au contraire – aux projets d’oléoducs de pétrole bitumineux en route vers nos deux dernières raffineries et les marchés internationaux.

Bref, le cerveau droit du gouvernement veut libérer le Québec du pétrole et en faire le paradis des énergies vertes et propres, exemplaire en matière de lutte aux changements climatiques.

Le cerveau gauche souhaite que nous devenions une pétroprovince, dotée d’un secteur pétrochimique florissant et traversée par des oléoducs transportant chaque jour l’équivalent de la production actuelle des sables bitumineux de l’Alberta.

Une des façons de se convaincre que tout ça tient en place de manière harmonieuse consiste à réciter certains mantras anesthésiants. Comme de dire que tout ça serait fait « de manière responsable ».

Ah, bon, ouf! Nous voilà rassurés.

Le Québec que nous voulons

Il y a plusieurs façons de consulter. Derrière des portes closes, en demandant l’avis d’experts et des parties prenantes, ou encore en ouvrant le jeu de la façon la plus large possible. En matière d’avenir énergétique du Québec, le gouvernement a choisi cette troisième option, et c’est tout à son honneur.

À nous maintenant de dire ce que nous pensons.

Les consultations se déroulent partout au Québec, de l’Étang-du-Nord à Thetford Mines, en passant par Montréal, Québec et Lebel-sur-Quévillon. Il y en aura une pas trop loin, pour la plupart d’entre nous.

Chacun y aura droit de parole, balisé à 2-3 minutes, c’est peu, mais c’est suffisant pour indiquer clairement et simplement notre point de vue. Le document de consultation est bien écrit, vulgarisé et clair et sert de base à la discussion.

Au cours du prochain mois, on parlera d’énergie au Québec, de transports et d’aménagement, de développement économique et de changements climatiques, d’enjeux sécuritaires et de création d’emplois.

Faisons valoir le Québec que nous voulons.
 

* Le gouvernement précédent avait mis au jeu une stratégie énergétique (2006-2015) un peu à cheval entre les deux mondes, faisant place à la production d’électricité, à l’efficacité énergétique et à l’exploration d’hydrocarbures.