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En matière d'environnement et de lutte aux changements climatiques, ces dernières années auront été décevantes. Celles qui viennent seront charnières. On ne peut plus se payer le luxe d'attendre des décisions politiques qui ne viennent que trop lentement.
Les sociétés civiles, fortes d'un fort consensus social sur l'urgence d'agir, doivent maintenant prendre les choses en main. Il faudra être imaginatifs, retrousser ses manches et en faire plus, beaucoup plus pour s'opposer à l'incroyable force d'inertie qui plombe l'action des gouvernements partout dans le monde.
Il faudra aussi qu'apparaisse, ici comme ailleurs, un nouveau leadership social et environnemental qui identifie les problèmes, nomme les objectifs à atteindre et confronte une conception du monde qui n'est plus adaptée au contexte actuel.
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Dans la lutte aux changements climatiques, la mouvance environnementale québécoise n'est pas encore parvenue à réaliser les gains qu'auraient justifié une bonne quinzaine d'années d'efforts largement réussis de mobilisation et de sensibilisation.
Si aujourd'hui, une large majorité de la population se montre fortement préoccupée par les changements climatiques et exige des gestes concrets de la part des gouvernements, cette volonté ne s'est pas encore traduite concrètement en décisions politiques.
Malgré des promesses généreuses, le gouvernement du Parti québécois se contente encore de reconduire avec plus ou moins d'enthousiasme plusieurs grandes politiques mises en place par le gouvernement libéral précédent.
La Politique de mobilité durable, d'où devrait venir un effort massif en faveur des transports collectifs surchargés, a encore une fois été reportée, quelque part « l'an prochain ». Le plan climatique 2020 du Québec n'a pas avancé d'un pouce. La nouvelle stratégie énergétique n'a pas encore été adoptée, ce qui n'empêche pas le gouvernement du Québec de faire les yeux doux aux pétrolières, sous l'oeil attendri de la CAQ et du PLQ.
Le gouvernement Marois s'est donné des cibles ambitieuses de réduction de GES et de consommation de pétrole pour l'horizon 2020, mais n'a pas annoncé comment il compte les atteindre. S'en préoccupe-t-il seulement ? Il reste six ans pour y parvenir. Plus le gouvernement tergiverse, moins il est crédible lorsqu'il brandit des engagements qui sonnent de plus en plus creux, comme ceux du gouvernement Harper.
Le gouvernement Marois aura bien mis le paquet sur l'électrification des transports et il aura maintenu le cap sur la mise en place du marché du carbone, deux pièces maîtresses qu'il faut saluer à juste titre, moins pour leur impact à court terme (insignifiant dans le premier cas, incertain dans le deuxième) que pour les transformations qu'elles présagent d'ici quelques décennies.
Mais les grands changements ne viendront pas sans une mobilisation sociale encore plus forte qui changera la façon même de concevoir les questions économiques, environnementales et politiques.
Ceci devra passer par une prise en main d'un grand pan des décisions par la société civile elle-même.
Mouvement social à la recherche de leadership
Le mouvement environnemental québécois, comme ailleurs dans le monde, est largement décentralisé, faisant appel à la raison et à la responsabilité individuelle de tout un chacun en espérant que les choses changent.
Il ne cherche pas à mener ; il cherche à convaincre.
Nous sommes trop souvent des gérants d'estrades qui commentent la qualité du jeu et le choix des trios offensifs. Si nous entraînons une bonne partie de la foule dans nos analyses, la partie continue de se dérouler sous nos yeux. Les règles demeurent plus ou moins les mêmes, tout comme les joueurs et leur conception du jeu.
Il nous manque des leaders politiques, capables par leur seule force de volonté, de faire naître une énergie collective et forcer plusieurs grandes décisions. Et ainsi changer les paramètres du jeu.
On dira ce qu'on voudra de Daniel Breton, mais celui-ci aura, avec quelques autres, à coup de manifestations, de marches citoyennes et de coups de gueule, joué ce rôle dans le dossier de la centrale thermique du Suroît, des gaz de schiste et de l'échangeur Turcot.
Sa nomination à titre de secrétaire parlementaire de la Première ministre Marois sur le dossier de l'électrification des transports, un dossier important, lui a rogné les ailes. Qui a pris sa place ?
Plus largement, tout mouvement qui souhaite des changements radicaux dans une société, comme le mouvement environnemental mut par l'impératif d'éviter une catastrophe climatique, doit reposer sur des leaders qui nomment les problèmes, identifient les objectifs à atteindre et mobilisent les citoyens pour y parvenir.
Un mouvement ne peut pas être mené uniquement par des gérants d'estrades (dont je suis), des experts de contenus et des agents de sensibilisation. Il a aussi besoin de militants qui rassemblent autour d'eux, que ce soit leur famille, leurs amis, leurs milieux de travail ou toute une collectivité, et les entraînent dans l'action.
À ce chapitre, il faut reconnaître et encourager le fort leadership des groupes citoyens qui, de Dunham à la Vallée du Richelieu, de la plaine du Saint-Laurent au Témiscouata, se mobilisent contre les projets pétroliers et gaziers.
Le potentiel inexploité des mouvements sociaux
La société québécoise est sans doute la plus conscientisée du continent quant à l'urgence d'agir en matière de changements climatiques et probablement la plus critique d'un ordre économique mondial basé sur la concentration de la richesse aux mains d'une infime minorité.
Bien dirigée, cette énergie sociale peut nous mener très loin.
Elle peut servir à insuffler des changements de comportements nécessaires. Qui achètera des voitures électriques, qui s'abonnera à Communauto, changera sa fournaise au mazout et prendra le transport en commun, sinon des citoyens qui en auront fait le choix ?
Cette énergie peut servir à transformer les choix collectifs, à tous les niveaux. Qui amènera son employeur à instaurer une politique de covoiturage, à forcer les élus locaux à exiger une desserte de transport en commun, ou à obliger le gouvernement du Québec à réinvestir dans les transports collectifs, sinon des groupes de citoyens mobilisés se donnant un objectif concret et commun ?
Et cette énergie peut également être canalisée pour s'opposer à des projets qui sont nocifs à l'environnement et au climat. Là encore, une mobilisation citoyenne est nécessaire.
Sans leadership, à tous les niveaux, cette énergie demeurera largement un potentiel.
Pour obtenir des résultats qu'on n'a jamais eus, il faut faire des choses qu'on n'a jamais faites, semble avoir dit un jour le sondeur Jean-Marc Léger.
Il est temps que le mouvement environnemental fasse preuve du leadership auquel s'attend une bonne partie de la population québécoise.
Rendez-vous en 2014 !