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Il y a un peu plus d’un an, en pleine campagne électorale, Pauline Marois s’invitait dans les locaux d’Équiterre pour lancer « un magnifique projet de société ». « Si nous voulons nous enrichir », disait-elle, « nous devons réduire notre consommation de pétrole »[1].
Pour les troupes du Parti Québécois gonflées à bloc, tout cela passe alors, avec raison, par un réinvestissement dans les transports collectifs, l’électrification des transports, un nouveau plan climat et une nouvelle stratégie énergétique.
Mais un an plus tard, force est de constater que le Québec fait du surplace. Au point où le Parti Québécois risque de se présenter en élections dans quelques mois sans avoir réussi à concrétiser aucune des réformes qu'il avait promis de mettre en place.
Un départ canon
Le Parti Québécois de Pauline Marois a eu un départ canon en environnement. D’abord en nommant deux figures environnementales connues à des postes clés :
Martine Ouellet, militante de longue date de la Coalition Eau Secours, et Daniel Breton, activiste environnemental hard-core à qui on doit une part non négligeable des victoires environnementales des dernières années, sont nommés aux Ressources naturelles et à l’Environnement.
Ensuite par des annonces décapantes et généralement bienvenues dans la population :
La ministre Ouellet annonce le déclassement de la centrale nucléaire de Gentilly 2 et la mise à mort de la Mine Jeffrey. Elle en profite pour dire tout le mal quelle pense des gaz de schistes et pour promettre un nouveau régime de redevances pour les minières, qui devront s’attendre à payer pas mal plus cher. Ça promet !
Daniel Breton de son côté ne fait pas dans la dentelle et saque le président du BAPE, Pierre Renaud, jugé trop sensible aux intérêts économiques pour le remplacer par des hommes de confiance, Pierre Baril et le journaliste émérite du Devoir, Louis-Gilles Francoeur.
Horrifiés[2], les représentants du milieu des affaires demandent une rencontre d’urgence avec la première ministre, au sortir de laquelle ils semblent avoir obtenu toutes les assurances qu’ils désiraient.
Après le discours inaugural d’octobre, les coups d’éclat du gouvernement sont bien vite remplacés par d’obséquieux gages de bonne conduite, notamment sur la question du pétrole et de l’exploitation des ressources naturelles. Les généreux engagements environnementaux sont relégués au second plan.
D’un gouvernement à l’autre
Daniel Breton est bien vite amené à démissionner, Martine Ouellette pour sa part, est à peu près mise sous tutelle. En matière de transport et d’énergie, le premier budget Marceau consacre grosso modo les grands enlignements de l’État sous les Libéraux.
Le gouvernement accouche d’une fausse réforme des redevances minières. Des fonds de soutien au développement des ressources naturelles et des hydrocarbures sont créés[3]. L’emphase sur la « réduction de la consommation de pétrole » est remplacée par « l’exploitation responsable du pétrole québécois » et le gouvernement fait bon accueil à l’arrivée au Québec du pétrole bitumineux albertain.
De leur côté, les éléments plus progressistes de la plateforme électorale du Parti Québécois en transport, dans le domaine de l’énergie et sur les changements climatiques, sont soumis, avec lenteur et retards, à des consultations publiques. Aucune de ces consultations n’est terminée, certaines n’ont même pas encore débuté. On reconduit en l’état les politiques libérales qu’on avait tant décriées dans l’opposition.
Un an de surplace
On se souvient du coup d’éclat de Jean-François Lisée, candidat dans Rosemont, en faveur du prolongement de la ligne bleue à Montréal[4]. Aujourd’hui membre du gouvernement et ministre responsable de la région de Montréal, monsieur Lisée n’a pas plus les moyens que ses prédécesseurs libéraux pour développer les transports collectifs. Malgré des coalitions sans précédents (y compris hors-Montréal ) - des chambres de commerce jusqu’aux écolos – le gouvernement n’a pas déboursé un sou de plus pour développer les services[5]. Les grands projets restent sur la glace, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années.
Paradoxalement, après avoir dénoncé le « bar ouvert » des Libéraux pour les projets autoroutiers, le gouvernement du Québec n’a pas eu beaucoup d’hésitation à annoncer un investissement de 400M$ pour le prolongement de l’autoroute 19, dans la Couronne Nord[6] de Montréal, une splendide invitation à l’étalement urbain. Peu importe la couleur du gouvernement, il n'y a jamais de problème d’argent pour les autoroutes et les échangeurs.
Un gouvernement du Parti Québécois devait aussi adopter « dès le début de son mandat »[7], une nouvelle stratégie énergétique visant à concrétiser la stratégie de réduction de la consommation de pétrole. Un an plus tard, les consultations n’ont toujours pas débuté, mais on sait déjà que le gouvernement fera la part belle à l’exploitation pétrolière en Gaspésie, à Anticosti et dans le Golfe Saint-Laurent.
Après avoir crié au « show de boucane » du gouvernement libéral en matière de lutte aux changements climatiques et avoir promis d’augmenter les cibles de réduction de gaz à effet de serre du Québec, le gouvernement s’est empressé de reconduire, là aussi, les mesures libérales tant décriées. La publication d’un nouveau plan d’action climat est remise à plus tard.
Et finalement, malgré la récente nomination de Daniel Breton, il semble que le gouvernement se contente pour le moment du plan d’action sur l’électrification des transports du gouvernement précédent[8] pour donner un peu de crédibilité à ses engagements électoraux en la matière.
Pas trop tard pour bien faire
Des milliers de militants péquistes ont travaillé d’arrache-pied pour donner de la substance aux engagements électoraux de leur parti en matière d’environnement, d’énergie et de transport. Certains – je pense en particulier à Sylvain Gaudreault et à Jean-François Lisée – sont même devenus ministres, tout comme Martine Ouellet et Daniel Breton.
Les orientations contenues dans les documents de consultation mis au jeu par le gouvernement en transports collectifs[9], en énergie[10] et en politique industrielle montrent que ces militants n’ont pas travaillé en vain. On a ici la base de grandes politiques progressistes et avant-gardistes qui nous mèneraient ailleurs, comme société, et pour le mieux.
Il ne reste pas beaucoup de temps avant de prochaines élections pour donner vie à une vision un peu plus moderne que le « business-as-usual » importé du gouvernement précédent. Sinon, on se contentera d’un Parti Québécois qui, en matière de transport, d’énergie et de changements climatiques, aura passé plus d’un an au pouvoir pour accoucher… de nouvelles promesses électorales.
[1] http://pq.org/nouvelle/senrichir-le-parti-quebecois-sengage-a-mettre-le-q/
[2] http://www.fccq.ca/salle-de-presse-communiques-2012_Conference-de-presse-Congres-FCCQ-2012_Declaration-CA.php
[3] http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2012-2013/fr/documents/Ressources.pdf
[4] http://www.ledevoir.com/politique/quebec/357996/lisee-fait-irruption-dans-la-campagne-de-legault
[5] http://cmm.qc.ca/fileadmin/user_upload/documents/20130522_declarationPQMD.pdf
[6] http://www.mtq.gouv.qc.ca/portal/page/portal/Librairie/Publications/fr/salle_presse/2013/Parach%E8vement%20autoroute%2019/Communique%20A19_2013-05-16%20version%20corrigee_suggestion%20DLMI.pdf
[7] http://pq.org/nouvelle/senrichir-le-parti-quebecois-sengage-a-mettre-le-q/
[8] http://vehiculeselectriques.gouv.qc.ca/plan-action.asp
[9] http://www.mobilitedurable.gouv.qc.ca/portal/page/portal/grand_public/transport_collectif/consultation_publique_politique_quebecoise_mobilite_durable
[10] http://consultationenergie.gouv.qc.ca/