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Opinion  •  4 min

Quand dépendance au pétrole rime avec insécurité énergétique

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - Carte US nuit 3

Ce premier billet de blogue d'une série de deux est écrit par Hugo Séguin, conseiller principal d'Équiterre sur les changements climatiques et l'énergie, et Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et auteur de « L’avenir du Québec passe par l’indépendance énergétique », publié aux éditions MultiMondes.

Dans son discours au peuple américain la semaine dernière au sujet de la marée noire du Golfe du Mexique, Barack Obama rappelait une réalité toute simple : les États-Unis d'Amérique consomment plus de 20% du pétrole mondial alors que son territoire ne renferme que 2% des réserves mondiales. Il aurait pu ajouter qu’une bonne partie du pétrole qui fait rouler l'économie américaine est importée, trop souvent de régions ou de pays à la stabilité géopolitique plutôt problématique (Golfe persique), ou de régimes carrément hostiles ou imprévisibles (Venezuela). Pour Obama, la sécurité énergétique des États-Unis passe aujourd'hui par une transition vers des formes alternatives aux carburants fossiles.

Il a raison. Et ces raisons valent aussi pour le Québec, d'autant plus que le contexte mondial a changé au cours des dernières années.

Le monde ne flotte plus sur d'immenses stocks de pétrole à bon marché, capables de rassasier les appétits de croissance les plus voraces. Alors que la production des champs pétroliers conventionnels à travers le monde décline rapidement, les nouveaux gisements offrent un pétrole toujours plus coûteux à extraire, plus polluant et beaucoup plus difficile d'accès. Les nouvelles frontières d'exploitation s’éloignent constamment des côtes, que ce soit dans le Golfe du Mexique, au large du Brésil, de l’Angola ou de la Côte-est du Canada, ou ciblent le pétrole englué dans les plaines de l'Alberta ou du delta de l'Orinoco, ou encore dans les écosystèmes fragiles du Grand Nord. Au rythme actuel des découvertes, croire que ces nouvelles sources d'approvisionnement pourront répondre, à un prix raisonnable, à la demande croissante des économies émergentes de la Chine et de l'Inde, en plus de continuer de remplir les réservoirs à essence des centaines de millions de voitures roulant sur les routes d'Europe, d'Amérique du Nord, d'Australie et du Japon relève de la pensée magique.

Même la très optimiste Agence internationale de l'énergie reconnaît maintenant qu’il faudra dénicher et mettre en opération, au cours des 20 prochaines années, six fois la production actuelle de l'Arabie Saoudite, le plus gros producteur mondial. Six fois. On aura beau additionner les barils et gratter les fonds de tiroirs, transformer l'Alberta en mine à ciel ouvert et cajoler les mannes du Vieux Harry, ça ne changera rien : nous serons toujours bien loin du compte.

Dans un tel contexte de crise d'approvisionnement, ce sont les prix qui agissent tels des régulateurs automatiques pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande. Un pétrole plus dispendieux à extraire, une croissance exponentielle de la demande dans les économies émergentes, sans compter de grands pays producteurs qui subventionnent le pétrole à des prix dérisoires sur leurs marchés domestiques : le pétrole est un intrant énergétique dont le prix est appelé à grimper en flèche au sortir de la présente récession.

Et ce sont les consommateurs, incluant les Américains et les Québécois, qui passeront à la caisse. Alors que l'on tente de rétablir les équilibres financiers d’une économie affaiblie par la crise et qu'on cherche sous les moquettes des ministères pour trouver de quoi répondre aux commandes des coupures du Conseil du Trésor, le Québec verra sous peu des milliards de dollars supplémentaires filer hors de ses frontières pour nous procurer du pétrole plus rare, plus polluant et plus cher. Dans le contexte mondial actuel, notre dépendance au pétrole nous rendra plus pauvre et notre économie plus vulnérable.

Aujourd'hui, la sécurité énergétique passe par la réduction de notre consommation de pétrole. Nos cinq millions de voitures roulent au pétrole. Notre économie manufacturière dépend de camions, de trains, et (plus rarement) de bateaux fonctionnant au pétrole. Des centaines de milliers de ménages se chauffent encore au pétrole. La nourriture qui atterrit dans nos assiettes est gorgée du pétrole nécessaire à sa production et à son transport.

Sent-on une compréhension de cet enjeu au sein du gouvernement du Québec ? Au ministère des Finances, du Développement économique, des Transports ? Pas du tout. Tout au plus annonçons-nous des initiatives louables en les enrobant dans un discours de circonstance (comme l'électrification des transports, par exemple), alors qu'on n'a jamais autant investi dans le développement du réseau routier et qu'on laisse aux promoteurs le soin de transformer notre territoire agricole en quartiers monofonctionnels qui nous rendent davantage dépendants de nos voitures.

La seule façon de se prémunir d'une prochaine crise pétrolière, c'est de consommer moins de pétrole. Beaucoup moins de pétrole. Ce faisant, nous réduirons par la même occasion nos émissions de gaz à effet de serre. Mieux vaut faire ce travail nous-mêmes et trouver des solutions et créer des emplois ici même, plutôt que de laisser les lois du marché faire le travail à notre place.

Barack Obama lance un nouveau défi à la nation américaine. À quand un gouvernement qui fera la même chose au Québec et qui mettra en place les mesures nécessaires pour diminuer notre dépendance au pétrole, et ainsi améliorer notre sécurité énergétique ?

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