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Après avoir bien failli s'écrouler pour ne plus se relever au cours de ces deux dernières nuits de négociations, le processus de négociation se poursuit, ne serait-ce que parce qu’on a pelleté de l’avant une série de décisions qui auraient dû être prises depuis longtemps. Vieille méthode éprouvée.
Des grands pays industrialisés - le Canada, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Russie - en ont profité pour se débarrasser de toutes obligations internationales de réduire leurs émissions, rejoignant les États-Unis dont le système politique est incapable de se contraindre à faire quoi que ce soit dans un quelconque instrument juridique international.
Ici à Durban, l’Union européenne a véritablement porté la conscience des pays industrialisés en sauvant le Protocole de Kyoto et en créant une alliance de solidarité avec les pays les moins avancés et les petits États insulaires. Mais il va falloir bien plus que ça.
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de croître à une vitesse vertigineuse et nous voguons allégrement vers des augmentations de température au-delà desquelles la communauté scientifique internationale ne répond plus de rien.
On ne négocie pas avec le climat.
Les ententes de Durban ne changent strictement rien à cette réalité et il va falloir maintenir la pression sur les gouvernements si on veut augmenter ce qu’on appelle ici leur « niveau d’ambition », surtout dans les pays riches à l’extérieur de l’Union européenne.
Résumons, en gros :
(1) Le Protocole de Kyoto se prolonge jusqu'en 2017, peut-être 2020, porté à bout de bras par l'Union européenne qui maintient le cap sur l'économie verte, les énergies alternatives et la réduction de sa consommation de carburants fossiles. L'Europe en sortira plus forte.
(2) On lance les négociations en vue d'un nouvel instrument international, que l'on souhaite légalement contraignant, et qui couvrira l'ensemble des pays émetteurs, selon des modalités à établir et à négocier. Ce nouvel instrument doit être adopté au plus tard en 2015 et doit entrer en vigueur d’ici 2020.
(3) Le Fonds pour le climat est finalement encadré par des règles de fonctionnement, mais il demeure une coquille vide : on ne s'entend toujours pas sur la provenance des montants promis - 100 milliards de dollars par année d'ici 2020 : une taxe sur les transactions financières internationales? Le Canada ne veut pas. Un prélèvement sur les émissions du secteur du transport maritime et aérien international? Les États-Unis ne veulent pas. Les trésors publics? Peu se bousculent au portillon.
Que faire? Deux choses.
Premièrement, renvoyer nos gouvernements négocier de bonne foi, et avec quelque chose à mettre sur la table. Les États-Unis et le Canada sont arrivés les mains vides ici à Durban, alors que la situation exige du leadership de la part des grands pays émetteurs riches comme les nôtres.
La position du Canada est indigne d’un pays riche, industrialisé. Le Canada rejette toute espèce d’obligation internationale, mais exige que les pays en développement, encore très pauvres, comme l’Inde, et encore la Chine, soient contraints, eux, de réduire leurs émissions.
Le Canada semble dire: que les pauvres fassent la job! De notre côté, désolé, nous devons assumer notre destin cosmique de producteur de pétrole et de sables bitumineux. Ce faisant, nous nous isolons de plus en plus : l’économie verte, l’économie du XXIe siècle, c’est pour l’Europe et l’Asie. Les énergies alternatives, c’est pour la Chine.
On sort vraiment d'ici avec le sentiment que le continent nord-américain est de plus en plus isolé.
Le Canada, pays choyé, doit contribuer à la solution et cesser d'entraver les progrès. Comme nous avons atteint le fond du baril, faire mieux à court terme, puis peut-être un peu mieux ne serait pas être très compliqué.
Le gouvernement canadien pourrait commencer en arrêtant de subventionner les pétrolières, par exemple. Il ne le fera pas si on n'exige pas qu'il le fasse. Il pourrait aussi arrêter de s'opposer à l'idée de fixer un prix sur les émissions de GES. Ce ne sont là que de petits exemples. En faisant cela, le Canada aurait l'air un tout petit peu moins hypocrite en s'assoyant aux tables de négociations.
Deuxièmement, poursuivre et amplifier le travail de la société civile, des villes, des entreprises, des provinces et des organisations. Réduire les émissions, ça veut dire développer l’économie verte et les énergies renouvelables, et aussi réduire notre consommation de carburants fossiles. Tous les gestes que nous pouvons poser en ce sens contribuent à la solution.
On fait notre part quand on adopte le PMAD de la Communauté métropolitaine de Montréal, de bons plans de mobilité durable à Sherbrooke, à Gatineau ou à Québec. Quand nos entreprises deviennent plus efficaces dans l'utilisation de l'énergie, quand on finance les transports collectifs, qu'on consomme intelligemment ou qu'on pousse pour qu'émerge l'économie verte.
On fait notre part aussi quand on fait preuve de solidarité avec les populations les plus touchées par les changements climatiques, en particulier dans les pays en développement.
Le changement est rarement imposé par le haut. Il arrive parce que des multitudes d’actions sont posées et le font arriver.
C'est ce à quoi nous devons nous atteler dès maintenant.