Colleen Thorpe
Directrice générale
Publié le
Je suis convaincue que parler de la déconsommation est absolument nécessaire à la transition vers une société plus écologique. La déconsommation a toujours été la trame de fond des activités d’Équiterre, mais elle joue maintenant un rôle phare, car elle est une solution importante à nos défis socio-environnementaux. Au cœur de la mission d’Équiterre se trouve aussi l’impératif de tendre vers une société plus juste. Le fameux « Équi » d’Équiterre!
Un fossé d’inégalités qui se creuse
La surconsommation continue à creuser les inégalités déjà bien présentes dans notre société. Alors que certaines personnes surconsomment, d’autres n’arrivent même pas à combler leurs besoins de base.
Pour bien des gens, l’achat des produits à bas prix est l’unique option disponible en raison d’un budget serré. Souvent, ces produits sont peu durables au niveau environnemental. D’une certaine façon, cela participe aussi à maintenir des personnes dans le cycle de la pauvreté (il faut acheter plus souvent des chaussures puisque le matériel est de mauvaise qualité et difficile à réparer).
Et il ne faut surtout pas oublier que la surconsommation est rendue possible par les inégalités à l’échelle mondiale. Il est possible d’acheter un t-shirt à très bas prix qui provient de l’autre bout de la planète uniquement parce que les personnes qui l’ont confectionné sont sous-payées. Qui plus est, l’impact environnemental de ce t-shirt - des champs de coton, jusqu’à l’emballage et la distance parcourue jusqu’au magasin - n’est pas à négliger.
Environnement et justice sociale: jamais l’un sans l’autre
Ces sujets sont intrinsèquement liés. D’une part, ce sont les personnes les plus riches qui consomment et polluent le plus. Et de loin! L’empreinte carbone est étroitement liée au revenu et aux habitudes de consommation. Entre 1990 et 2015, les 10 % les plus riches de la planète ont émis plus de la moitié des émissions de carbone dans l’atmosphère1.
De l’autre côté, ce sont les personnes les plus vulnérables (les femmes, les communautés autochtones, les personnes racialisées, les nouveaux arrivants, les gens vivant avec un handicap, etc.) qui sont souvent les plus affectées par la crise environnementale.
Au Canada, la Coalition nationale contre le racisme environnemental est sans équivoque : « [les communautés racialisées] sont souvent exposées de façon injuste et disproportionnée à la pollution de l'air, la pollution de l'eau, les îlots de chaleur »2. Le racisme environnemental est d’autant plus préoccupant puisqu’il s’ajoute à d’autres inégalités que subissent les communautés vulnérables, comme la pauvreté, l’insécurité alimentaire ou encore un manque d’accès aux soins de santé3.
Il est devenu essentiel de s’attaquer à la surconsommation pour limiter ses effets délétères sur nous tous, mais particulièrement ceux et celles qui souffrent directement de ces impacts et qui n’ont pas les moyens pour en limiter les conséquences.
Agir selon ses moyens
Je suis également convaincue que la déconsommation ne peut pas s’appliquer de la même façon à tous les membres de la société, puisque la surconsommation, voire même la consommation, est un privilège uniquement accessible pour certaines franges de la population. Il n’est absolument pas question de demander à ceux qui n’en n’ont pas les moyens de déconsommer!
Tout mouvement de déconsommation collective devra donc s’accompagner de mesures qui permettent à tous et à toutes de combler leurs besoins essentiels, comme l’instauration d’un revenu universel ou une hausse importante du salaire minimum. Ce changement pourrait aussi permettre de dégager du temps pour d’autres types d’activités, comme des activités qui favorisent le partage, l’autosuffisance, le bénévolat ou les soins (ce qu’on nomme parfois le « care »); des activités qui reposent d’ailleurs encore souvent sur les épaules des femmes.
Un pas en avant
Ce qui est encourageant, c’est qu’on remarque qu’il y a un intérêt grandissant envers la notion de la déconsommation : un certain éveil collectif. Nous devons faire des changements majeurs dans nos systèmes de production et de consommation. Pour l’environnement et pour lutter contre les injustices sociales.
Nous devenons de plus en plus sensibles au fait que notre rapport à la consommation est influencé par des éléments tels que le genre, la classe sociale ou encore l’appartenance ethnique. Ce n’est qu’en reconnaissant l’impact de ceux-ci que nous pourrons trouver ensemble des solutions inclusives pour toute la population afin d’amorcer une réelle transition écologique et juste.
Amorcer une démarche de déconsommation, peut aussi constituer une bonne occasion de réfléchir à nos privilèges, en plus de tirer profit de ses nombreux autres bienfaits!
- Oxfam International. Cinq choses à savoir sur les inégalités carbone. (2022).
- RAD. Le racisme environnemental, c’est quoi? (2021).
- WALDRON Ingrid. Le racisme environnemental au Canada. IdéesLab de la Commission canadienne pour l’UNESCO. (2020).
Comment tendre vers la déconsommation?
Consultez notre guide