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Opinion  •  2 min

Vers cinq ans d'austérité en transport collectif?

Publié le 

Couper dans les transports collectifs ne devrait pas être dans les plans d’une ministre de la Mobilité durable. Or, en affirmant aux sociétés de transport qu’elles devront se serrer la ceinture et en sous-estimant drastiquement le manque à gagner, Geneviève Guilbault leur demande de réduire les services aux usagères et usagers.

Pourtant, les Québécoises et Québécois sont de retour dans les transports en commun. À Laval, on observe des pics d’achalandage de 103% les fins de semaine, par rapport à 2019. À Sherbrooke, pour les mois de juin et juillet, il y a eu une moyenne mensuelle de 116% et 120% d’usagers et usagères par rapport à l’ère pré-pandémique. À Montréal, l’utilisation des autobus et du métro s’approche rapidement de leur pleine capacité, avec une croissance d’environ 2% par mois récemment observée. Rappelons aussi la situation en amont de la pandémie: lorsque les services étaient absolument saturés en heure de pointe, on parlait alors de la « classe sardine ». Il n’est pas normal que le transport en commun doive être inconfortable pour assurer une offre de service suffisante!

Le discours actuel du gouvernement est incohérent. En effet, le gouvernement de la CAQ s’est engagé à mettre en œuvre la Politique de mobilité durable 2030, qui prévoyait une augmentation de l’offre de service en transport collectif de 5% par année. Puisque celle-ci n’a pas été atteinte, notamment en raison de la pandémie, nous sommes d’avis qu’il est essentiel de la rehausser pour viser au minimum 7% par an afin de rattraper le retard accumulé, mais surtout de permettre à la croissance durable de l’achalandage.

Au-delà des chiffres, plusieurs membres de ce gouvernement, notamment la ministre Guilbault, se sont exprimés avec beaucoup d’éloquence et de réalisme à propos de la nécessité d’offrir des alternatives de transport efficaces aux Québécois et Québécoises. Ce qui n’est pas réaliste, c’est de le promettre sans planifier dès maintenant comment y arriver.

Planifier le développement des services

Alors que se tiendra cette semaine le Forum annuel de la Politique de mobilité durable, un constat s’impose: si le gouvernement n’investit pas massivement pour soutenir les opérations et l’amélioration de l’offre de service en transport collectif, le Québec n’atteindra pas ses propres cibles en mobilité durable, notamment celles inscrites dans son Plan pour une économie verte. Il est temps de clarifier la feuille de route pour y arriver avec des objectifs de développement des services de transport en commun précis et ambitieux d’ici 2030.

Reprendre la croissance de l’offre de service doit inévitablement s’accompagner d’un nouveau cadre financier conséquent. Ce n’est pas aux usagères et usagers de payer le prix pour le déficit structurel créé par un modèle de financement archaïque. Il est grand temps que le gouvernement mène à bien les travaux du Chantier sur le financement de la mobilité et instaure un nouveau modèle en phase avec ses propres engagements en transport collectif. À cet égard, nous appelons également au leadership du ministre des Finances Éric Girard.

S’il revient au gouvernement québécois de prendre le leadership, toutes les parties prenantes concernées doivent faire leur part et agir de manière coordonnée, partout au Québec. Le milieu municipal doit donc aussi assumer ses responsabilités, notamment en utilisant l’espace fiscal qui est disponible et prévu pour le financement du transport collectif.

Toutes les régions du Québec méritent de profiter des bénéfices et de l’effet transformateur d’un réseau de transport en commun efficace. Pour ce faire, l’entente sur cinq ans pour le financement du transport collectif actuellement en négociation doit permettre d'atteindre d’ici 2030 une croissance d’au moins 7% par an de l’offre de service. La balle est dans le camp du gouvernement!

Signataires principales:

Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

Florence Junca-Adenot, professeure, UQAM

* Cosignataires, membres de l’Alliance TRANSIT : Samuel Pagé-Plouffe, coordonnateur d’Alliance TRANSIT; Charles Bonhomme, responsable affaires publiques et communications à la Fondation David Suzuki ; ; Emmanuel Rondia, directeur général du Conseil régional de l’environnement de Montréal; Marie-Soleil Gagné, directrice générale d’Accès transports viables, Christian Savard, directeur général, Vivre en Ville; Gabriel Larocque, Coordonnateur de projets en action climatique, spécialisation transport et aménagement au RNCREQ; Anne-Catherine Pilon, analyste politique en mobilité durable chez Équiterre

Cette lettre d'opinion a d'abord été publiée dans La Presse