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Opinion  •  4 min

La fin de l'ère de la testostérone ?

Publié le 

par :  Hugo Séguin Blog - End of men

Madame au secours de la planète? Monsieur enfermé dans le sous-sol avec une caisse de bières pour les quelques prochains siècles, le temps de faire le ménage? Peut-être. Les résultats d'un vaste sondage pan canadien présenté la semaine dernière semble indiquer que les femmes seraient beaucoup plus préoccupées par les enjeux environnementaux, beaucoup plus enclines à considérer les changements climatiques « inquiétants » et « urgents » et beaucoup plus prêtes à passer à l'action que les hommes.

Et ce par des marges substantielles.

À croire que derrière certaines de ces réponses sont tapies des cohortes complètes d'hommes indifférents, égoïstes et nihillistes.

Sais pas pourquoi. Exactement. Mais j'ai le feeling que la méthode masculine classique de gouvernance à haut indice de testostérone a fait son temps. Qu'en ce XXIe siècle naissant, nous aurions tous intérêt à faire place à une grosse bouffée d'oestrogène. Histoire de rééquilibrer les choses un tant soit peu.

Si on en croit la dernière édition du Atlantic Monthly, sous le titre un peu troublant de The End of Men, le rééquilibrage serait en train de se produire, du moins dans la société américaine. Cette année, pour la première fois, les femmes sont majoritaires sur le marché du travail. La majorité des gestionnaires américains sont maintenant des gestionnaires américaines. Plus de 60% des diplomés de deuxième cycle sont maintenant des femmes, tout comme quelque 50% des diplômés de droit et de médecine. Des 15 professions à plus forte croissance, seules 2 sont (encore) dominées par les hommes : les concierges et les ingénieurs en informatique. En prenant d'assaut le marché du travail, les femmes seraient appelées à transformer durablement la culture de la société américaine. Le plafond de verre existe toujours, cette barrière invisible qui empêche les femmes d'accéder aux plus haut niveaux de direction, mais on ne voit pas très bien comment cette situation pourrait perdurer longtemps devant un tel raz-de-marée.

La tendance est sensiblement la même au Québec, quoique dans une moindre mesure, selon les indicateurs utilisés. Les femmes sont déjà les pilliers des grands réseaux communautaires au Québec. Chez Équiterre, j'ai l'impression que mon embauche il y a quelques années tient probablement à un programme d'accès à l'égalité (à compétences égales...), tellement la disproportion hommes-femmes est importante (en faveur des femmes), y compris aujourd'hui au comité de direction, composé à majorité de femmes. Vous seriez surpris de voir cette disproportion dans les cv que nous recevons lors de nos embauches. Les femmes sont nombreuses, qualifiées et motivées. Une vague irrésistible.

Et puis après ? Qu'est-ce que ça change, ou plutôt qu'est-ce que ça changera ? Beaucoup de choses peut-être. Les hommes ont eu leur chance, non ? Difficile de blâmer les femmes pour les calamités des siècles passés. Les guerres, les génocides, l'esclavage, la dilapidation du patrimoine mondial et les désastreuses décisions financières ne sont généralement pas attribuées à des cartels de femelles en cravates fumant des cigares et buvant du scotch, le doigt sur des pitons déplaçant des divisions de soldats ou des milliards de dollars (désolé, c'est probablement les images de Conrad Black sortant de prison qui m'inspirent cette caricature)

Et si, effectivement, le monde était mené à sa perte par un trop-plein de testo mal canalisée? Pour les tenants de cette analyse, les dernières élections en Islande sont peut-être précurseures d'un monde nouveau, ayant été remportées sous le cri de ralliement castrateur de « la fin de l'ère de la testostérone ». C'est sous cette bannière qu'a été propulsé à la tête de l'Islande un nouveau gouvernement réformiste appelé à réparer les pots cassés dans la désagrégation financière de l'État. Difficile de faire pire, semble-t-il, que les politiciens, financiers et hommes d'affaires ayant mené ce beau petit pays au bord du gouffre.

Les femmes seraient, aux dires du Atlantic Monthly, « peut-être beaucoup mieux adaptées à la société post-industrielle » que les hommes. D'où sans doute l'importance de les voir prendre le leadership, les deux mains sur le volant.

Le sondage (confidentiel) présenté la semaine dernière aux membres de Réseau Action Climat Canada est clair quant à ses recommandations : les femmes seraient la clé du déblocage du Canada en matière d'environnement et de changements climatiques. Et aussi, en particulier, les femmes (et aussi les hommes) de moins de 35 ans. Bien qu'on retrouve des agents de changements dans toutes les couches de la société, quelque soit le sexe et l'âge, aucune autre catégorie n'aurait autant de dynamisme ni de potentiel pour changer les choses.

Go sisters !

Le genre a-t-il un impact sur les décisions publiques ? Le fait d'être un homme ou une femme influence-t-il notre perception des enjeux environnementaux, économiques, sociaux, politiques ?

Peut-être que la réponse ne réside pas tellement dans le genre, mais dans la culture. Qu'il existe des femmes dopées à la testo et des hommes qui s'en tiennent loin. Et que nos attitudes ne sont pas irrémédiablement prédéterminée par le fait d'être un homme ou une femme. J'aime mieux cette interprétation-là. Plus rassembleuse.

La fin de l'ère de la testostérone ? Ok, peut-être. Mais j'espère de tout coeur que ça changera quelque chose. Pour le mieux.

Parce que pour l'instant...