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Par Laure Waridel - Maman de Colin et d'Alphée, le 19 juin 2010, Canada
Monsieur le premier ministre Stephen Harper,
Madame Beverly J. Oda, ministre de la Coopération internationale,
Monsieur Jim Prentice, ministre de l'Environnement,
Je vous écris car je suis inquiète pour l'avenir de nos enfants. Le manque de vision et de cohérence dont vous faites preuve à l'égard des plus démunis de notre planète, de l'environnement et des générations futures menace notre sécurité et notre prospérité à long terme.
Nous savons depuis longtemps maintenant que la démocratie est la base du développement et du bien-être des populations d'ici comme d'ailleurs. La diversité et la liberté d'opinion ainsi que l'accès à l'information permettent le développement de meilleures politiques publiques. La transparence est pour sa part essentielle à la confiance de la population envers l'État. Quant à la science, elle sert de phare à la prise de décisions éclairées et ne doit pas être manipulée à des fins partisanes.
Or, depuis votre arrivée au pouvoir, vos politiques et vos pratiques écorchent notre démocratie au point de la mutiler. Vous la dépouillez un morceau à la fois, sans scrupule, même si votre gouvernement est minoritaire. Les journalistes, comme plusieurs juristes et commissaires, dénoncent avec raison l'effritement de la liberté de presse et du droit du public à l'information. Ils font état de l'érosion de la démocratie au Canada. C'est sans parler de la rupture avec les principes fondamentaux du développement durable, pourtant encadrés par la Loi fédérale sur le développement durable, et du non-respect de nombreux engagements internationaux en matière d'environnement et de droits humains qu'ont signalé les experts internationaux des Nations unies.
Opinion contraire
Au sein de la fonction publique, dans les universités comme dans les organisations non gouvernementales (ONG) tributaires d'un financement public fédéral, c'est l'omerta. Ceux et celles qui osent exprimer une opinion contraire aux intérêts de votre parti se font rapidement montrer la porte ou alors se voient menacer de perdre leur financement sans explication valable.
Je pense entre autres à Kairos, à Alternatives, à diverses organisations environnementales, à de nombreuses associations qui défendent les droits des femmes, au putsch qui s'est produit au sein de Droits et Démocratie ainsi qu'à la menace qui pèse actuellement sur le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI). Cette coalition regroupe près d'une centaine d'ONG de par le pays. Sa mission: mettre fin à la pauvreté dans le monde en outillant ses membres. La qualité de son travail est connue et reconnue d'un océan à l'autre, comme sur la scène internationale. L'abolition de son financement équivaut à bâillonner une voix influente et respectée qui se porte à la défense des pauvres.
Il est évident que votre gouvernement souhaiterait que les ONG se contentent de coller des pansements sur les plaies sociales et environnementales de la planète. Il est pourtant de leur responsabilité de pousser les gouvernements à agir sur les causes de ces maux. Car, oui, nous savons désormais que de nombreuses solutions existent, mais qu'elles ne peuvent être mises en avant sans la volonté politique des pays riches.
Intégrisme conservateur
L'autre jour, mon fils de huit ans m'a demandé si le Canada avait des ennemis. J'ai été forcée de lui répondre que ce qui menace le plus le pays, c'est votre gouvernement, monsieur Harper. Aucun «ennemi» n'est parvenu à miner aussi efficacement que vous le faites nos institutions démocratiques, notre accès à l'information, notre liberté d'expression et la qualité de notre environnement.
Doit-on vous rappeler que moins de 38 % des électeurs ont voté pour vous? Si l'on tient compte du taux de participation, seulement 28 % des Canadiens et des Canadiennes vous ont donné un mandat, et ce n'était pas celui de détruire l'État et l'environnement. Le temps est venu de se sortir la tête des sables bitumineux et de mettre fin à l'intégrisme conservateur. Pour l'avenir de nos enfants.
Laure Waridel - Maman de Colin et d'Alphée
Laure vient tout juste de recevoir une réponse du Gouvernement canadien.