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Opinion  •  4 min

23e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP23) ; une COP sous l’égide du Talanoa ?

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Cofondateur et directeur principal d'Équiterre

Talanoa : mot utilisé dans les îles Fiji et ailleurs dans le Pacifique pour désigner un dialogue sous le signe de la transparence, de la participation et inclusif. Ce dialogue le partage d’idée, d’empathie et de savoir-faire à travers le conte et le partage d’histoires.

C’est ainsi que le Président de la COP23, le premier ministre des Îles Fiji Frank Bainimarama, propose de tenir les discussions qui s’amorcent à Bonn en Allemagne cette semaine et je dois vous avouer qu’après avoir passé près d’un quart de siècle à participer à ces rencontres, un tel changement de ton serait certainement le bienvenu.

La science nous parle

L’année 2017 nous a, hélas, encore une fois rappelé que nous sommes déjà entrés de plain-pied dans l’ère des changements climatiques. Voici certains faits troublants que nous livre la science actuelle :

  • 2017 est en voie d’être l'année la plus chaude jamais enregistrée alors que 2016 arrive en 1re position, précédée de 2015, 2014… Pas besoin de vous faire un dessin ;
  • Une année sans précédent pour les catastrophes naturelles dans le golfe du Mexique avec des ouragans qui ont frappé la Barbade, Saint-Martin, Porto Rico, la Floride et le Texas… Les coûts estimés d’Irma et Harvey, qui ont frappé le sud des États-Unis, sont déjà de 290 milliards $ et sont appelés à augmenter ;
  • Des feux de forêt record en Californie et en Colombie-Britannique ;
  • Une canicule d’une telle ampleur dans le sud de l’Europe qu’elle est surnommée « Lucifer ».

Le vent d’espoir qui avait soufflé sur la communauté internationale lors de la Conférence de Paris de 2015 semble perdre de sa vigueur, alors que l’administration Trump a annoncé sa volonté de s’en retirer (ce qui n’est pas encore fait).

Enjeux de la COP23

Le dialogue Talanoa

Déjà à Paris en 2015, nous savions que les objectifs de réduction d’émissions proposés par l’ensemble de la communauté internationale étaient insuffisants pour respecter l’objectif ultime de l’Accord de Paris, c’est-à-dire de prévenir une augmentation de température globale qui dépasserait le 1,5° Celsius à 2° Celsius à l’horizon 2100.

Une analyse de l’organisation internationale Climate Action Tracker, un groupe de scientifiques travaillant à évaluer la performance de différents pays en matière de lutte aux changements climatiques, statuait en 2015 que les engagements des différents pays envers l’Accord de Paris, s’ils sont respectés, permettraient d’éviter presque 1° Celsius de réchauffement. Leur analyse concluait qu’en l’absence des engagements de Paris, la planète se dirigerait vers une augmentation de 3,6° Celsius, alors que grâce à Paris, cette même augmentation serait de l’ordre de 2,7° Celsius. Climate Action Tracker estimait le plan du Canada comme étant « insuffisant » pour atteindre les objectifs de Paris (1).

Vous me direz peut-être que 2,7° Celsius de réchauffement c’est beaucoup mieux que 3,6 et vous avez bien raison ! Toutefois, c’est encore beaucoup plus que la limite fixée à 1,5 à 2° Celsius dans l’Accord de Paris.

Or ce dialogue initié par les Conférences des Parties (COP) vise précisément à augmenter le niveau d’ambition des pays signataires de l’Accord de Paris, et c’est à Bonn que doit s’amorcer cette ambition. Ces négociations sur l’augmentation du niveau d’ambition doivent se terminer au plus tard dans 2 ans afin que les nouveaux objectifs de réductions soient intégrés à temps pour que les pays puissent mettre en place des mesures de réductions additionnelles.

Le secrétaire d'État américain John Kerry signe l'accord de Paris avec sa petite-fille en 2016
© US Department of State - Flickr

L’adaptation

Souvent considérée comme l’un des parents pauvres des négociations internationales, cette question en est une prioritaire pour les pays en voie de développement, puisqu’ils émettent peu de gaz à effet de serre. Par exemple, les pays les moins développés représentent près d’un milliard de personnes, mais ne comptent que pour 5,5 % des émissions planétaires. Le Canada, avec à peine 36 millions de personnes, compte pour 2,2 % de ces mêmes émissions !

Donc, pour ces pays qui subissent de plein fouet les impacts des changements climatiques, le défi n’est pas tant de réduire les émissions, mais bien de s’adapter aux impacts de plus en plus importants des changements climatiques.

À ce titre, ils ont besoin de technologies, d’infrastructures ou de savoir-faire pour, par exemple dans le cas de l’Afrique, aider leurs agriculteurs à mieux résister aux sécheresses qui se font de plus en plus présentes. Ils doivent mieux former les fonctionnaires, les représentants des organisations non gouvernementales (ONG) et la population en général et ont également besoin de liquidités. Plusieurs grandes ONG internationales estiment que les besoins en adaptation pour ces pays se chiffrent à 100 milliards $ par année, un montant que les pays industrialisés se sont engagés à fournir à partir de 2020 lors de la rencontre de Copenhague en 2009. Pourtant, 8 ans plus tard, le flou plane toujours sur plusieurs éléments névralgiques ; les montants seront-ils sous forme de prêts ou de subventions ? L’argent viendra-t-il du secteur privé, public ou les deux ? Ces montants proviendront-ils de fonds de l’ONU, d’ententes bilatérales, etc.

Pertes et dommages

Le terme « pertes et dommages » désigne les pertes irrécupérables et préjudices dus à l’impact des changements climatiques.

Que signifie « irrécupérables » ?

Le conseil des ministres de l’un des pays voisins des îles Fiji, les Maldives, a tenu une réunion sous l’eau (oui, vous avez bien lu !) afin d’illustrer l’impact de l’augmentation du niveau de la mer sur les pays insulaires comme le leur.


Réunion tenue sous l'eau aux Maldives
© 350.org from Flickr

On pourrait également penser à plusieurs îles dans le golfe du Mexique l’été dernier, alors que les Caraïbes se remettaient péniblement du passage d’Irma et qu’elles devaient se préparer à l’arrivée de Maria quelques semaines plus tard. À ce rythme, combien de temps encore ces îles pourront-elles subir ces impacts ?

Plusieurs de ces pays sont d’ailleurs appelés à disparaître au cours des prochaines décennies.

Il faudra relocaliser, construire de nouvelles infrastructures pour des populations entières, mais encore faudra-t-il être en mesure de trouver des endroits qui pourront accueillir ces réfugiés climatiques. Vous voyez un peu le casse-tête !

L’enjeu de « pertes et de dommages » est de discuter et ultimement de s’entendre sur des mécanismes financiers permettant à ces populations de refaire leur vie ailleurs.

Il ne s’agit que d’un rapide survol de quelques-uns des enjeux qui seront abordés lors de la COP23 qui se déroulera jusqu’au 17 novembre prochain.

(1) http://climateactiontracker.org/countries/canada.html

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