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Opinion  •  10 min

L’après Paris : Équiterre travaille pour un plan climat canadien ambitieux

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par :  (Unpublished) Annie Bérubé Directrice des relations gouvernementales – Ottawa annie-198x116.png

En décembre 2015, plus de 190 Nations ont adopté l’Accord de Paris. Cet accord international oblige les pays à grandement réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et ainsi à limiter l’augmentation du réchauffement planétaire à moins de 2 °C, et à poursuivre des moyens de le limiter à moins de 1,5 °C au-dessus du niveau à l’époque préindustrielle. Pour sa part, le Canada s’est engagé à le ratifier en automne 2016. Cette dernière étape, la ratification, confirmera notre niveau d’engagement envers la communauté internationale.

Cet accord constitue un consensus global sans précédent pour combattre les changements climatiques. On s’attend à ce que le Canada, l’un des plus gros émetteurs de carbone au monde, présente un plan climat ambitieux qui lui permettra de respecter ses promesses faites à la communauté internationale.

Depuis l’Accord de Paris, le gouvernement canadien a continué de s’engager au niveau international dans les dossiers énergétique et de changements climatiques, entre autres en signant une entente globale pour mettre un prix sur le carbone (Global Carbon Pricing Leadership Coalition). En mars dernier, le Canada signait une entente avec les États-Unis pour réduire les émissions de méthane dans le secteur pétrolier, et harmoniser la règlementation entre les deux pays pour réduire les GES dans d’autres secteurs. Le Canada s’est aussi engagé à couper les subventions pour l’exploitation des énergies fossiles d’ici 2025 lors de la dernière rencontre du G7 au Japon. Finalement, lors de la visite récente du premier ministre du Mexique et du président des États-Unis, les trois pays se sont dotés d’une cible de 50 % d’électricité propres d’ici 2025, et ont pris d’autres engagements communs dans le secteur des moyens de transport propres, ayant adhéré au partenariat nord américain en matière de climat, d’énergie propre et d’environnement.

Il est clair que le Canada veut prendre sa place sur la scène internationale, mais qu'en est-il des mesures prises chez nous : sont-elles à la mesure de nos ambitions internationales?

Négociations fédérales-provinciales sur le plan climat

Afin d’élaborer le plan climat, le premier ministre Justin Trudeau et les premiers ministres des provinces et territoires se sont rencontrés en mars dernier à Vancouver, pour discuter des mesures d’atténuation des changements climatiques et des possibilités de croissance économique. Cette rencontre s’est conclue avec la Déclaration de Vancouver sur la croissance propre et les changements climatiques.

Les ministres se sont engagés à établir ensemble le cadre pancanadien sur les changements climatiques et la croissance propre. Ils se sont divisés en quatre groupes de travail. Chacun de ces groupes fournira d’ici octobre 2016 au premier ministre un rapport contenant différentes options pour le plan climat. On s’attend à ce que le plan climat pancanadien soit rendu public lors de la prochaine rencontre des premiers ministres en novembre 2016.

Ce plan climat est crucial :

Étant donné que nous avons perdu les 10 dernières années en inaction au Canada en matière de changements climatiques, alors que d’autres pays ont mis en œuvre leur plan climat et réduit leur GES;
Étant donné que le Canada est l’un des plus gros émetteurs de carbone au monde; nous avons l’obligation envers la communauté internationale de faire notre juste part en matière de réduction des GES;
Étant donné la révolution énergétique mondiale en cours; le Canada a besoin de rester compétitif dans la nouvelle économie à faibles émissions de carbone;
Étant donné que les Canadiens réclament de leurs gouvernements qu’ils agissent contre les changements climatiques. Et les citoyens sont prêts à agir pour réduire leurs propres émissions de GES.

Peut-être n’est-ce que depuis l’établissement du régime universel de soins de santé au Canada qu’un accord provincial-fédéral-territorial a autant d’importance.

Équiterre travaille pour un plan climat canadien ambitieux : en commençant par les GES venant des transports

Depuis l’Accord de Paris, Équiterre travaille fort pour s’assurer qu’on établisse un plan climat ambitieux, un plan qui permettra au Canada de respecter ses engagements internationaux. Cela inclut de collaborer avec d’autres organisations environnementales canadiennes — Environnemental Defence, Pembina Institute, la Fondation David Suzuki et Clean Energy Canada — afin de fournir des recommandations au groupe de travail fédéral-provincial qui s’occupe des politiques visant à réduire les émissions de GES dans le secteur des transports.

Équiterre et ses partenaires demandent au gouvernement fédéral d’adopter de nouvelles lois et règlements, d’apporter des changements aux politiques fiscales fédérales et méthodes d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Nous voulons aussi qu’il collabore avec les provinces, les territoires et les municipalités afin d’obtenir des réductions importantes d’émissions de GES en transport public, véhicules personnels et transport des marchandises. Nous appuyons nos recommandations sur des politiques efficaces déjà en place et d’autres pays qui ont déjà aidé à réduire les émissions de GES des transports. Plusieurs pays mènent effectivement la parade en matière de lois et politiques sur le transport durable, et le Canada a beaucoup à faire s’il veut les rattraper.

Pourquoi le transport?

Le secteur du transport est actuellement la source de 23 % des émissions de GES au Canada et ces émissions continue de croitre. Pour réduire les GES, le pays a besoin de stimuler la transition vers les moyens de transport à faible ou zéro émission, augmenter l’utilisation de combustibles propres, augmenter l’achalandage des transports en commun et encourager un urbanisme de collectivités à la fois polyvalentes et denses.

Au Canada, seulement 12 % des 15,4 millions de personnes qui se déplacent au travail quotidiennement utilisent le transport en commun. Bien que le nombre de personnes utilisant le transport en commun soit significatif, plus de 12 millions de Canadiens vont au travail en automobile; 74 % conduisent seul, alors qu’un autre 5,4 % sont passager . Le pourcentage actuel de voitures électriques vendues annuellement au Canada est parmi les plus bas recensé au monde, à 0,4 % en 2015 . Contrairement à nous, les voitures électriques représentent 25 % des ventes de voitures durant la même année en Norvège!

Et misère : on voit de plus en plus d’automobiles chaque année sur les routes, et de plus en plus de véhicules énergivores. Entre 2013 et 2015, suite à la baisse du prix du pétrole et de l’essence, la vente de voitures a reculé de 6 %, alors que la vente de camions (incluant les VUS et les mini fourgonnettes) a augmenté de 21,4 % pendant la même période. À l’échelle du Canada, la vente totale de véhicules a augmenté de 9,6 %; les camions comptaient pour 63 % des véhicules vendus en 2015, comparativement à 57 % en 2013 . Si cette tendance se maintient, le bas prix de l’essence mènera à une restructuration du parc automobile au Canada en faveur des véhicules lourds et énergivores. Qui plus est, la taxe fédérale visant à décourager la vente de véhicules à faible rendement énergétique est l’une des plus basses au monde, et elle est complètement inefficace.

Si nous voulons réduire notre empreinte carbone, il est clair qu’il faut changer nos habitudes en termes de transport. Nous pouvons, et nous devons faire mieux.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent fournir les outils nécessaires. Cela inclut la possibilité de vivre près des lieux de travail et des écoles, d’avoir accès à des transports en commun efficaces, à des programmes d’auto partage et à une variété de modèles abordables de voitures électriques.

Pour vraiment donner la chance aux Canadiens de changer leurs habitudes de transport et ainsi contribuer à la lutte contre les changements climatiques, on a besoin d’incitatifs et de programmes pour diminuer l’auto-solo, encourager le transport actif, les transports en commun et l’auto partage, ainsi que de mesures pour augmenter l’accessibilité et les ventes de modèles abordables de voitures électriques. Investir dans les transports en commun est un moyen équitable de réduire les GES qui fait bénéficier les Canadiens à faible et moyen revenu. Investir dans le transport actif est une façon très économique de réduire les émissions de GES et peut s’inclure facilement dans les projets prêts à démarrer des communautés partout au Canada. Ces investissements en transport actif apporteraient aussi d’importants bénéfices en diminuant le nombre d’accidents d’automobile fatals, en encourageant un mode de vie actif et en réduisant la pollution atmosphérique locale.

Mais n’oublions pas que nous émettons des GES non seulement en déplaçant des personnes, mais aussi en déplaçant beaucoup de marchandise!

Le camionnage lourd est le sous-secteur du transport avec la croissance la plus rapide. Entre 1990 et 2014, il a compté pour 60 % de l’augmentation totale des émissions dans le secteur du transport, ce qui représente 55 Mt . Les investissements fédéraux dans la recherche et développement de technologies propres doivent prioriser le développement de technologies pour réduire les émissions des camions lourds, tout en offrant des incitatifs aux entreprises pour les encourager à faire le transfert vers des modes de transport moins polluants (le train par exemple). Tant que ces technologies sont disponibles, les politiques de réduction de l’intensité des émissions des camions lourds au Canada, telles qu’une norme sur les carburants à faible teneur en carbone, seront cruciales pour vraiment commencer à réduire les émissions dans le secteur. Pour le transport des marchandises légères, particulièrement sur de courtes distances en milieu urbain, c’est essentiel : il faut électrifier le transport. Postes Canada et les autres organismes gouvernementaux devraient suivre l’exemple des restaurants Saint-Hubert et électrifier leur flotte de véhicules!

Résumé des recommandations pour le cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique : réduire les émissions de GES liés au transport.

Investir dans les transports publics pour maximiser la réduction des émissions de GES
Le fonds fédéral pour le transport en commun devrait respecter des critères climat afin de :
- Atteindre le plus haut niveau de réduction des GES, en déterminant l’intensité des émissions de carbone des projets de transport en commun proposés;
- Atteindre le plus haut niveau de réduction de GES au plus faible coût;
- Encourager l’urbanisation intense.
- Éliminer les crédits d’impôt personnel pour les passes de transport en commun : il existe de meilleures façons d’encourager les transports en commun que de subventionner les laissez-passer;
- Subventionner l’électrification des autobus urbains.

Marche, bicyclette et covoiturage
- Établir un 4e programme de financement d’infrastructure qui servirait à des projets de transport actif (des sentiers pédestres et pistes cyclables)
- Promouvoir les programmes d’autopartage en créant un minimum d’espaces de stationnement réservées aux services d’autopartage (autant dans les institutions privées que publiques) et fournir les fonds nécessaires pour l’électrification des voitures en autopartage (des bornes de recharge, par exemple).

Augmenter les ventes de véhicules à émission zéro (VEZ) au Canada
- Mettre en œuvre une loi nationale sur les VEZ; une loi fédérale qui obligerait les fabricants automobiles à vendre un certain pourcentage de voitures à faible ou zéro émission.
- Augmenter la taxe d’accise fédérale sur les véhicules énergivores pour internaliser les coûts de ces véhicules.
- Exempter de TPS les VEZ vendus au Canada.
- Créer des incitatifs pour les propriétaires de VEZ : ouvrir l’accès aux voies réservées aux véhicules multi-occupants (VMO); leur créer des espaces de stationnement réservés en ville, dans les institutions publiques et dans les milieux de travail gouvernementaux; instaurer une structure tarifaire d’électricité à faible coût adaptée aux propriétaires de VEZ.
- Amener le gouvernement à revoir le Code national du bâtiment pour que soient installées des bornes de recharge dans tous futurs bâtiments commerciaux et résidentiels.
- Offrir des incitatifs financiers aux employeurs pour qu’ils installent des bornes de recharge à leurs lieux de travail.
- Amener les gouvernements fédéral et provinciaux à finaliser l’installation des bornes de recharge rapide le long des routes nationales.

Réduire l’intensité des émissions de carbone des véhicules présents sur les routes
- Imposer une norme de faible teneur en carbone pour les carburants vendu au Canada — une cible d’intensité établie par la loi (mesurée selon la quantité de grammes de CO2 par mJ d’énergie) que devraient atteindre tous carburants vendus au Canada.
- Resserrer la réglementation entourant les émissions de GES de tous véhicules personnels et légers et l’appliquer sur les camionnettes, mini fourgonnettes et VUS avec la même fermeté.

Réduire les émissions de GES liées aux transports de marchandises
- Faire des investissements en R&D pour favoriser l’éclosion de nouvelles technologies réduisant les émissions de GES dans le secteur du transport des marchandises lourdes, ainsi que dans l’infrastructure et dans des incitatifs pour encourager les entreprises à faire le transfert vers des modes de transport moins polluants (le train, par exemple).
- Établir une stricte réglementation sur les émissions de GES des modèles de camions lourds construits après 2018.
- Offrir des incitatifs pour l’électrification du transport des marchandises légères (c’est-à-dire les camions de livraison sur courtes distances) et améliorer les infrastructures (installer des bornes de recharge, par exemple)
- Offrir des incitatifs au secteur du transport des marchandises lourdes pour l’utilisation de biodiesel en tant que carburant de transition.

Vous pouvez regarder plus en détail nos recommandations pour le cadre pancanadien en matière de croissance propre et de changement climatique ici.

Consultation publique : votre chance d’être entendu

Voici quelques façons d’exprimer votre opinion sur le futur plan climat.

Les députés fédéraux organisent des consultations publiques dans leurs comtés pour connaître le point de vue des Canadiens sur le plan climat. Équiterre appuie cette initiative et encourage ses membres et sympathisants à participer aux consultations. Plusieurs auront lieu tout au long de l’été. Si vous voulez participer, aller sur :
http://equiterre.org/solution/participez-aux-consultations-sur-le-climat

L’honorable Catherine McKenna, la ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique a elle aussi lancé une consultation publique en ligne pour encourager les Canadiens à donner leurs solutions en matière de changements climatiques. On peut y participer en accédant au portail public Parlons Action pour le Climat. On vous invite à prendre le temps d’envoyer vos meilleures idées pour combattre les changements climatiques.

Est-ce que les premiers ministres seront à l’écoute des Canadiens?

Équiterre va dans le même sens que l’entente de Vancouver en reconnaissant que l’Accord de Paris a fixé des ambitions environnementales jamais vues, c’est-à-dire de vouloir réduire à zéro les émissions globales de GES d’ici 2050, et que tous devraient s’engager afin de relever ce défi : tout les paliers de gouvernement, les entreprises, la société civile, les peuples autochtones et les citoyens canadiens.
Équiterre invite les premiers ministres à être à l’écoute des Canadiennes et de Canadiens qui demandent des politiques ambitieuses et qui veulent qu’on instaure des lois cohérentes et qu’on leur offre des incitatifs et des programmes dans l’ensemble du pays pour les aider à réduire leurs propres émissions de GES. Les citoyens ont amené beaucoup de bonnes idées lors des consultations publiques ainsi que dans la consultation par internet.
Au bout du compte, ce sera le rapport des premiers ministres en novembre prochain qui nous montrera si les gouvernements auront bien écouté leurs citoyens. Équiterre continuera de défendre la cause pour s’assurer que le Canada ratifie l’Accord de Paris avec un plan climat solide et qu’il respectera ses promesses faites à la communauté internationale.