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Vous êtes-vous déjà demandé quels étaient nos problèmes de société? Drôle de question, n’est-ce pas? Qui pourrait poser cette question? Après tout, il suffit d’ouvrir un journal ou d’écouter la radio cinq minutes pour avoir la réponse: décrochage scolaire, épidémie d’obésité, itinérance, etc. Nous connaissons tous les grands défis sociaux de notre génération. Mais qu’en est-il de la question suivante: où en sommes-nous avec le décrochage scolaire (ou l’itinérance ou l’environnement)? Progressons-nous? Malheureusement, il est rare que les bonnes nouvelles fassent la une des journaux. Au chapitre de la lutte aux changements climatiques, les médias viennent justement d’ignorer totalement une excellente nouvelle… j’y reviendrai.
L’exception à cette règle – de parler du problème, mais jamais de sa progression – c’est le chômage. On nous parle du chômage à tous les jours. On nous communique les statistiques de l’Europe, des États-Unis, du Québec et de Montréal dès qu’elles sont disponibles. En fait, on nous en parle même avant qu’elles soient publiées puisque les économistes et les financiers spéculent sur ce qu’elles seront. Par la suite, les journalistes décortiquent les statistiques par tranches d’âge, par métier, zone géographique et origine ethnique. Bref, on fait durer la nouvelle d’une simple statistique pendant des jours et des jours et entendons-nous, il s’agit parfois d’une variation de 0.1%!!! Par la suite, on nous annonce chaque ouverture ou fermeture d’usine, de siège social ou de PME. En fait, il est difficile de lire ou d’écouter les nouvelles sans qu’on ne nous parle d’une façon ou d’une autre de la progression du chômage.
Il n’est donc pas surprenant que la création d’emplois soit la première priorité de tous les gouvernements à tous les niveaux et dans tous les pays. On se préoccupe de ce que l’on mesure.
On ne mesure toutefois pas toujours ce qui nous préoccupe, ou du moins, si on le mesure, la statistique ne fait que rarement la manchette. Où en sommes-nous avec le décrochage scolaire, par exemple? Avons-nous progressé depuis 20 ans? Avons-nous atteint les objectifs que nous nous étions fixés? Je suis persuadé que les spécialistes ont la réponse. Mais nous, simples citoyens, sommes bien peu à le savoir. À mon avis, cela mériterait qu’on en parle régulièrement dans les médias.
C’est encourageant de constater qu’on peut régler des problèmes de société. Cela donne le goût de s’attaquer à d’autres enjeux, même ceux qui nous semblent énormes.
C’est la même chose en environnement, on nous écoute (un peu!) quand on parle des problèmes, beaucoup moins lorsqu’on parle du progrès que l’on fait.
En 2006, le regretté Claude Béchard, alors ministre de l’Environnement du Québec, avait adopté un ambitieux plan d’action pour réduire de 6% d’ici 2012, les émissions de gaz à effet de serre au Québec. Nous avions d’ailleurs salué ce plan qui comportait des mesures précises, du financement et tous les outils pour atteindre cette cible.
Au mois d’avril dernier, Environnement Canada a publié l’inventaire des émissions de GES pour 2012. Résultat: le Québec a réduit de 6,8% ses émissions comparativement à l’année de référence, 1990. Nous avons atteint et dépassé notre cible! Qui plus est, entre 1990 et 2012, le PIB du Québec a progressé de 50%. C’est donc la preuve qu’il est possible de concilier développement économique et protection de l’environnement.
Hélas, la nouvelle est passée inaperçue au grand chagrin des politiciens, fonctionnaires, entrepreneurs, municipalités, écologistes et citoyens qui ont mis la main à la pâte pour atteindre cette cible.
La semaine dernière, nous avons donc invité certains d’entre eux pour un petit 5 à 7, question de lever notre verre aux principaux artisans de cette grande réalisation. Je pense à Paul Bégin qui, comme ministre québécois de l’Environnement s’était rendu à Kyoto en 1997 pour convaincre le Canada de signer et de se fixer une cible. Je pense aussi à Jean Charest qui croyait dur comme fer que l’avenir du Québec résidait dans une économie faible en carbone et qui a donné toute la place à ses ministres comme Line Beauchamp et Pierre Arcand pour mettre en œuvre le plan d’action incluant une controversée taxe sur le carbone que les pétrolières avaient combattue bec et ongles. Je pense aussi aux entreprises comme Cascades qui ont été des leaders de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables, et aux syndicats comme la CSN qui ont embrassé la lutte aux changements climatiques et cette idée qu’il est possible de créer des emplois dans la nouvelle économie verte.
À quand un indice du progrès social qui sera publié chaque mois et décortiqué autant que le taux de chômage? Voilà un beau problème auquel il faudrait s’attaquer!
Pour suivre la chronique Maison du développement durable de Sidney Ribaux dans le journal Métro.