Skip to navigation Skip to content

Opinion  •  8 min

Équiterre et le Réseau des fermiers de famille en Inde!

Published on 

par :  (Unpublished) Karen Ross Ph.D., Chargée de projet - Pesticides et Substances Toxiques

ÉQUITERRE, UN ACTEUR DE 1ER PLAN POUR LA PRODUCTION ET CONSOMMATION DE PRODUITS BIO

Dans le cadre du Congrès international de l’agriculture biologique de la Fédération internationale des mouvements en agriculture biologique, l’Organic World Congress (OWC), tenu à Delhi, en Inde, Équiterre a été invité à présenter son réseau de fermiers de famille en tant qu’élément central de la croissance de la production et de la consommation de produits biologiques et locaux au Québec.

Les représentants d’Équiterre ont également pris part à des discussions stratégiques sur le rôle continu que joue l’organisme dans le mouvement mondial de l’agriculture soutenue par les citoyens (ASC) en tant que membre du réseau Urgenci, un organisme qui œuvre à bâtir un réseau formé de réseaux afin de promouvoir le modèle d’ASC à l’échelle planétaire.

L’édition 2017 du Congrès s’est révélée la plus importante de toute son histoire avec plus de 12 000 délégués représentant 110 pays. Cette foule impressionnante a symbolisé une source d’inspiration aux yeux de tous en plus d’affirmer la croissance considérable du mouvement biologique à travers tous les continents.

Le Congrès fut aussi dynamique que magnifique : des dizaines de conservateurs de semences ont organisé un festival dans le hall de l’hôtel où ils ont fièrement échangé des connaissances avec leurs pairs sur les systèmes alimentaires biodiversifiés et adaptés localement. Des femmes ont filé des variétés traditionnelles de coton en fibres de tissage, un symbole important du mouvement populaire visant à se réapproprier les moyens d’assurer leur autosuffisance. Des danseurs et chanteurs punjabis aux habits colorés ont célébré la récolte avec des danses et des chants folkloriques. Et, bien entendu, tous ont partagé un repas soigneusement préparé « du champ à l’assiette » par une entreprise communautaire de restauration qui a travaillé de concert avec des petits producteurs locaux de produits biologiques pendant plus d’une année afin de coordonner le tout, de la production et la récolte des produits traditionnels jusqu’à la préparation des mets régionaux.

La mouture 2017 du Congrès international de l’agriculture biologique a tenu quatre conférences parallèles qui portaient notamment sur les tendances actuelles en matière d’agriculture et de marketing, ainsi que deux autres présentations où des leaders de la production biologique ont discuté, d’une part, des succès phénoménaux qu’a connu le mouvement biologique jusqu’à maintenant et, d’autre part, des défis qui en ont découlé, tout cela pour cerner à quoi le mouvement « Biologique 3.0 » pourrait ressembler.

Le mouvement biologique 3.0

En quelques mots, le mouvement biologique à l’échelle internationale a traversé deux phases clés jusqu’à maintenant, dont la phase Biologique 1.0 qui a principalement permis de définir la notion de « biologique » et de déterminer les normes de certification. 

La phase suivante, Biologique 2.0, a été surtout axée sur la nécessité de développer la filière biologique afin d’accroître le nombre de producteurs et de consommateurs ainsi que la superficie dédiée à la production biologique.

Puisque ces deux phases constituent des mouvements relativement nouveaux et malléables, le mouvement biologique amorce une nouvelle étape baptisée Biologique 3.0, qui se fonde sur la reconnaissance que les grands succès viennent avec leur lot de défis et qu’il est crucial de tenir compte de ces derniers pour s'adapter en conséquence.

Les enjeux prioritaires du mouvement biologique 3.0

  • La confiance des consommateurs : de plus en plus, le mouvement biologique gagne la population en général, et les préoccupations des consommateurs grandissent en ce qui concerne la soumission du mouvement biologique aux intérêts des entreprises. Le mouvement biologique doit continuer d’affirmer ses valeurs d’origines qui se fondent sur l’écologie, la santé, la bienveillance et l’équité, et il doit faire en sorte qu’elles soient toutes reflétées dans le « sceau bio ».
  • La certification des producteurs : avec de plus en plus d’agriculteurs qui s’efforcent d’obtenir le statut « biologique », une certification normalisée doit trouver l’équilibre afin de répondre aux différents besoins sans compromettre l’intégrité du mouvement.
  • Les pratiques de production exemplaires : étant donné qu’un nombre croissant de mouvements similaires gagnent en popularité, dont le commerce équitable, l’agroécologie et l’agriculture régénératrice, le mouvement biologique doit s’assurer de demeurer à la fine pointe des meilleures pratiques et se positionner en allié lorsque possible.
  • Se renouveler pour les prochaines générations : la population de producteurs agricoles est en déclin, et pour que le mouvement biologique puisse continuer de se développer, il est primordial de tenir compte des barrières qui empêchent les jeunes de s’y joindre et d’adopter un rôle de leader afin de veiller à les éliminer.

Le mouvement Biologique 3.0 nous incite à ne pas perdre de vue nos valeurs de base tout en nous efforçant de bâtir un futur biologique renouvelé, novateur et inclusif. De toute évidence, cette prochaine transition sera loin d’être aisée : des questions complexes se profilent déjà à l’horizon.

Document en anglais seulement.

Forces du Québec et du Canada

Néanmoins, le Canada et le Québec peuvent miser sur de nombreuses forces :

  • La production biologique y connaît une croissance telle que, chaque année, elle compte pour une plus grande portion de la surface cultivable;
  • La tendance de la demande des consommateurs connaît une hausse marquée : elle constitue le segment de marché dont la croissance est la plus rapide au Canada, avec un taux d’augmentation annuelle qui se situe dans les deux chiffres;
  • Les mouvements « achetez local » n’ont jamais été aussi populaires et ils contribuent par le fait même à accroître la sensibilisation envers l’agriculture soutenue par les citoyens (ASC) et d’autres modèles de ravitaillement fondés sur de courtes chaînes d’approvisionnement;
  • Plusieurs des jeunes qui choisissent l’agriculture comme moyen de subsistance optent pour la production biologique ou d’autres pratiques agricoles plus douces, comme l’agroécologie et l’agriculture régénératrice.

Les politiques publiques nécessaires

Or, cet essor que connaît la pratique doit être soutenu par des politiques novatrices. Il est essentiel que les décideurs politiques reconnaissent que ce que l’on nomme la « multifonctionnalité » du mouvement biologique n’est rien d’autre qu’un terme pompeux pour désigner les avantages multiples et cumulatifs de la production agricole biologique. Le fait que l’agriculture biologique est généralement considérée comme un moyen de produire des aliments, mais aussi qu’elle représente seulement une faible portion de la production agricole du Canada constitue une perspective beaucoup trop limitée. La production biologique doit être vue non seulement comme un moyen de fournir des biens publics, y compris la protection de l’eau, la préservation des sols fertiles du Canada, l’amélioration de la santé publique, le renforcement des économies locales, mais aussi comme une industrie de première ligne dans l’atténuation des changements climatiques.

Le défi auquel le Canada est confronté en matière de politiques consiste donc à faire usage des politiques fédérales, provinciales et territoriales existantes qui visent les mêmes finalités en ce qui concerne les biens publics et servent à faire le pont entre les différentes politiques d’encouragement et de dissuasion qui soutiennent intrinsèquement le mouvement biologique. La responsabilité du soutien au mouvement biologique ne serait alors plus reléguée aux ministres et aux ministères de l’Agriculture seulement : elle incomberait aussi aux autres ministères qui pourraient tirer profit de ses retombées dans l’atteinte de leurs objectifs politiques respectifs en ce qui concerne la santé publique et la lutte contre les changements climatiques notamment.

LES BONNES PRATIQUES D'APPROVISIONNEMENT LOCAL ET DURABLE AILLEURS DANS LE MONDE

Et si, entre autres exemples, nous prenions le temps d’examiner le cas du Danemark où de fortes politiques dissuasives ont été mises en place afin de favoriser une croissance économique locale et durable en encourageant plutôt les institutions publiques telles que les écoles, les hôpitaux et les garderies à se procurer des aliments locaux et biologiques ? Aujourd’hui, 90 % des produits nécessaires à l’approvisionnement public de Copenhague, la capitale du Danemark, proviennent de fermes biologiques locales. Imaginez un peu l’ampleur que pourrait prendre le Réseau des fermiers de famille d’Équiterre avec un tel soutien de la part des institutions publiques.

L'émission l'Épicerie du 1 novembre présente « La révolution biologique à l'école » sur l'objectif de 90 % biologique dans les institutions publiques de Copenhague.

Ou encore, si on jetait un œil aux politiques qui visent à inciter les producteurs agricoles à effectuer la transition vers une production biologique, comme les subventions de l’Union européenne allouées « à la surface » selon lesquelles les producteurs reçoivent une aide financière en fonction du nombre d’hectares qui sont consacrés à la production biologique ? Il s’agit là d’un moyen de protéger la viabilité des sols et de l’eau en tant que ressources naturelles d’importance pour les intérêts régionaux. En quelques décennies seulement, l’Union européenne a connu un accroissement de la superficie des terres consacrées à l’agriculture biologique plus de dix fois plus important que dans les autres pays de l’hémisphère nord.

Ou encore, pourquoi ne pas se pencher sur le cas de l’État de New York, où les agriculteurs de la ville de New York sont payés pour assurer la protection des bassins hydrologiques de la ville en adoptant des pratiques écologiques ? Ce type de politiques connexes diminuent les risques de contamination tout en soutenant les modes de subsistance locaux, en plus de permettre des économies des fonds municipaux consacrés à la filtration de l’eau.

Finalement, pourquoi ne pas nous inspirer de l’Inde, le pays d’accueil du Congrès international de l’agriculture biologique, qui a attribué le titre de premier État biologique du pays à l’État du Sikkim, où l’instauration d’une série de politiques progressistes a incité tous les producteurs à opter pour une production biologique ? Ce succès découle de l’intégration de simples politiques à une vision et une stratégie ambitieuses conçues à l’échelle de l’État et qui sont accompagnées d’un plan d’action et d’investissements dans le renforcement des capacités des agriculteurs. Depuis, deux autres États indiens leur ont emboîté le pas.

Alors, Québec et Canada, qu’attendons-nous ?

Ce projet était financé par le MAPAQ (Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec). Voir le rapport de mission ici.